Les enseignements du verger partagé de Castries

7 ans après que la mairie de Castries ait alloué 8 000 m² à l’association Le Verger partagé de Castries pour y faire pousser des arbres fruitiers, une forêt verger composée principalement d’arbustes fruitiers issus de semis directs occupe ce terrain. Cette jeune forêt verger montre qu’une arboriculture pluviale et sans intrants est possible en région méditerranéenne.

Un terrain initialement peu favorable à l’arboriculture

Les 8000 m2 sont situés le long du mur du château de Castries et sont bordés par une zone pavillonnaire et un champ produisant du fourrage pour des chevaux. Ces 8000 m2 font partie des Espaces Boisés Classés du PLU de Castries.

Photo aérienne du verger @ Google Maps - Maxtar Technologies

Les 8 000 m2 de sol limoneux étaient précédemment occupés par une vigne. Après l’arrachage des pieds de vigne, le terrain a servi occasionnellement pendant quelques années au pâturage pour des chevaux. Le désherbage chimique de la vigne puis le pâturage avaient rendu le sol très compact; il était aussi relativement pauvre en matières organiques. De par ces caractéristiques, le sol était peu apte à infiltrer et stocker l’eau; une partie des 8 000 m2 était d’ailleurs inondée par ruissellement lors de fortes pluies. Le Verger partagé de Castries a donc entrepris la tâche de rendre à nouveau le sol vivant et fertile.

Le 8 juin 2016, lors de l’inauguration du verger partagé, les cinq premiers arbres fruitiers sont plantés, en présence d’une nombreuse assistance. 70 personnes présentes ce jour-là deviendront par la suite membres de l’association Le Verger partagé de Castries. En décembre 2016 et janvier 2017, 74 arbres fruitiers sont plantés avec un espacement de 10 m par des membres du Verger partagé de Castries et d’autres volontaires. Chacun d’eux apporte un ou plusieurs jeunes arbres provenant d’une pépinière ou de son jardin. La mairie, quant à elle, fournit 20 jeunes arbres supplémentaires, creuse les trous, apporte du bois raméal fragmenté pour pailler les arbres, fait installer une borne d’irrigation par BRL et pose un panneau d’information. Une convention de mise à disposition des 8 000 m2 par la mairie de Castries est finalement signée par Le Verger partagé de Castries en février 2017 pour une durée de six ans renouvelable par tacite reconduction. Cette convention stipule que le verger doit être cultivé sans apports d’engrais ni produits chimiques et elle interdit l’usage d’engins motorisés.

Des pratiques agricoles innovantes

L’objectif que s’est donné l’association Le Verger partagé de Castries est de faire pousser sur les 8 000 m² un verger méditerranéen, constitué d’arbres fruitiers rustiques, sans irrigation (sauf les deux premiers étés pour les jeunes arbres plantés), ni apport d’engrais, ni traitement chimique, avec un investissement en matériel réduit (deux vieilles brouettes, deux pelles et une fourche).

Le choix de pratiques agricoles basées sur la nature et son temps long, supposées les plus en adéquation avec l’objectif énoncé ci-dessus, s’est rapidement révélé pertinent.

Les semis directs de pépins et noyaux de fruits augmentent la densité de plantation d’arbres fruitiers. Ces pépins et noyaux de fruits sont semés dans les herbes qui protègent les jeunes plantules des gelées tardives, de la chaleur estivale, des fortes températures et leur apporte l’eau de la rosée. Cela donne des arbres résistants car pourvus de bonnes racines pivots, capables en période de sécheresse d’aller chercher l’eau et les nutriments en profondeur. Ils vivront et produiront des fruits aussi plus longtemps. D’autres arbres non fruitiers issus de semis spontanés poussent également et apportent leur contribution à l’ensemble du verger en matière de microclimat, par leur production de biomasse. Les semis directs reçoivent un apport d’inoculum, une petite poignée des litières ou du sol prélevé dans une forêt ou au pied de vieux arbres fruitiers afin d’enrichir la vie du sol, dans l’espoir de voir se développer des associations mycorhiziennes dans l’ensemble de la parcelle. Le développement d’une symbiose entre les champignons mycorhiziens et les racines des plantes est fondamentale car elle améliore la structure du sol et l’enracinement, permet une meilleure absorption de l’eau, du phosphore et de l’azote, et une meilleure résistance aux stress hydrique et thermique, ainsi qu’aux maladies et attaques d’insectes.

La fertilité du sol est restaurée progressivement par la végétation spontanée : plantes herbacées, buissons, arbustes divers. Le Verger partagé de Castries a répertorié environ 70 herbacées différentes parmi lesquelles des espèces bio-indicatrices de l’état du sol. Cette végétation n’est jamais fauchée; elle se diversifie au cours du temps, améliorant ainsi le sol et le microclimat du couvert végétal. Seul le Sorgo d’Alep (Sorghum halepense), une herbacée invasive qui menace cette diversité végétale, est systématiquement arraché. Ainsi, le verger évolue peu à peu vers une forêt et son sol forestier continue par lui-même à s’enrichir par ses propres apports en matière organique : feuilles, branches, racines. Le seul apport extérieur a été constitué durant les premières années par les bois de taille broyés et non broyés, et les feuilles mortes des jardins environnants, afin d’accélérer la restauration de la fertilité du sol et son stockage en carbone. Les feuilles mortes vont se composter en quelques mois et le bois mort broyé en plus d’un an; le bois mort non broyé posé à même le sol va pourrir, attirer champignons et insectes, et servir d’abri à une faune qui n’existait pas auparavant. L’apport de feuilles provenant des jardins environnants a peut être un impact négatif sur le verger. Le gaillet grateron, herbacée bio-indicatrice de la présence de nitrate, est apparu en abondance autour des arbres paillés avec des déchets verts riches en feuilles. Les arbres fertilisés par des feuilles riches en azote ne font plus l’effort de développer autant leurs symbioses bactériennes et mycorhiziennes. Or ces deux types de symbioses améliorent respectivement la nutrition azotée et la nutrition minérale et hydrique de la plante et permettent d’éviter le recours aux engrais.

Déchets verts utilisés par le verger

Les écologues et les agronomes commencent juste à prendre la mesure de la capacité d’un écosystème à évoluer pour s’adapter à de nouvelles conditions climatique et physique. Le Verger partagé de Castries a choisi de s’insérer modestement dans l’écosystème en évolution permanente que constitue le verger, en limitant ses interventions aux semis directs et à l’apport de déchets verts. Les arbres fruitiers et les quelques arbres pionniers utiles (frênes, acacias, micocouliers, ormes…) issus des semis directs sont génétiquement tous différents. Cette biodiversité est porteuse de rusticité et facilite l’évolution de l’écosystème en une « forêt verger » capable de s’adapter au climat chaud et sec qui nous attend. Quelques fruitiers issus des semis directs pourront être greffés, en particulier sur les poiriers sauvages locaux. Les arbres fruitiers plantés ou issus de semis directs ne sont pas taillés. Les semis directs se poursuivent principalement avec les noyaux ou pépins des fruits récoltés sur place. Les déchets verts sont divers : bois raméal fragmenté, branches laissées sur le sol résultant de la taille en trogne de quelques arbres non fruitiers, apports des jardins environnants etc.

En septembre 2022, Le Verger partagé de Castries a recensé 70 arbres fruitiers plantés entre décembre 2016 et 2017 (chacun identifié par une ardoise portant nom, variété, famille), 60 « bosquets » de 140 arbres fruitiers semés depuis 2018 (identifiés par un drapeau orange avec un numéro), 50 arbustes fruitiers issus de semis directs en 2020 et 2021 (identifiés par un piquet blanc), 30 arbustes fruitiers issus de semis directs dans les bordures, 20 arbres divers (robiniers, frênes, ormes, micocoulier peupliers, chênes) semés par les oiseaux et les élèves de l’école primaire de Castries. Un nouvel inventaire effectué en octobre 2022 recense 585 arbres et arbustes, dont 364 fruitiers (61%). Quelques arbustes issus de semis directs ont été greffés en 2021, 2022 et 2023.

Pêcher de vigne planté Bosquet de poiriers sauvages issu de semis direct
Bosquet de 3 poiriers greffés et son paillage

Les arbres plantés ont donné des fruits dès 2019 (cerises, abricots, pêches, amandes, pommes, poires, figues, prunes, coings, nèfles d’Allemagne, noisettes, jujubes, argouses, arbouses, kakis, amélanches) et le nombre de fruits a augmenté les années suivantes sauf en 2021 où la gelée noire d’avril a réduit considérablement la production. D’autres fruits (nèfle du japon, cornouille) sont attendus. Les tous premiers fruits des arbres issus des semis direct sont apparus en 2022 (pêches, prunes, pommes, amandes).

Pommier issu d'un semis direct et ses pommes en août 2023 Jeune frêne apparu spontanément

Certains arbres fruitiers ont dès le début subi des maladies causées par des champignons et des dégâts causés par des insectes ravageurs. La cloque du pêcher (champignon Taphrina deformans) provoque l’apparition de feuilles boursouflées et leur chute ; la plupart des pêchers du verger sont touchés par la cloque au printemps ; les pêchers issus de semis direct récupèrent rapidement leur feuillage à la différence des pêchers plantés dont la production est de ce fait diminuée. La moniliose de l’abricotier et du pêcher (champignons Monilinia fructigena et Sclerotinia fructigena) provoque le dessèchement des rameaux, bourgeons floraux et fruits; un pêcher du verger qui avait été particulièrement touché en 2022 a produit beaucoup de fruits sains en 2023. Les capnodes (coléoptère Capnodis tenebrionis) adultes attaquent les feuilles et les bourgeons des abricotier, pêcher, amandier, cerisier et prunier et les larves attaquent les racines des jeunes arbustes ; les nombreux capnodes adultes présents sur les abricotiers et amandiers du verger sont ramassés et éliminés par les membres du Verger partagé de Castries ; il n’y a pour l’instant aucun dégât visible causé par les larves. La cétoine grise (coléoptère Oxythyrea funesta) attaquent les fleurs des pommiers et autres rosacées ; il n’existe pas actuellement de traitement efficace contre cet insecte ravageur ; il faut donc les ramasser à la main et les éliminer ; le ramassage à la main ayant été trop tardif, une grande quantité de fleurs de pommiers et cognassiers du verger ont été détruites par la cétoine grise en 2023.

En résumé, une monoculture d’arbres fruitiers produit en moyenne plus de fruits par unité de surface que la forêt verger de Castries mais sa production dépend de l’apport d’engrais, de produits phytosanitaires et d’eau. Les arbres fruitiers en monoculture auront aussi une durée de vie moins longue que les arbres des diverses espèces rustiques de la forêt verger. La diversité des espèces de la forêt verger la rend tout simplement plus résiliente aux hautes températures et gels, ainsi qu’aux maladies et insectes ravageurs que les produits phytosanitaires n’ont pas pu éradiquer dans une parcelle en monoculture d’arbres fruitiers.

Des escargots, des sangliers, des mulots et un blaireau ont aussi causé des dégâts dans le verger. C’est le prix à payer pour une forêt verger en « libre évolution » et non clôturée. Les sangliers ont arraché cinq arbres plantés et quelques arbustes en semis direct en hiver et au printemps ; ils ont aussi « labouré » des zones de paillage riches en vers de terre. Les mulots ont creusé de nombreuses galeries abîmant au passage certains arbustes qui venaient juste d’être plantés. Un blaireau a creusé un grand trou au pied d’un noisetier et coupé au ras du sol un jeune pommier ; celui-ci a redémarré comme les arbustes abîmés par les mulots. Le retour des hérissons sur la parcelle devrait réduire les dégâts causés par les escargots dans le futur.

Un écosystème devenu apte à lutter contre la désertification en région méditerranéenne

La sécheresse et les températures estivales élevées dans le Gard, l’Hérault, l’Aude et les Pyrénées-Orientales en 2022 et 2023 ont fortement diminué la production fruitière et même provoqué la mort d’arbres sur certaines parcelles. Tous les modèles climatiques prédisent une augmentation de la fréquence des épisodes de sécheresse couplés à des températures estivales élevées en région méditerranéenne. En conséquence, les arboriculteurs ont demandé que dans le futur les dérogations aux interdictions d’irriguer des arrêtés sécheresse qui s’appliquent déjà aux plantiers (arbres de moins de 2 ans) soient étendues aux arbres fruitiers adultes. Mais n’est-ce pas une fuite en avant vouée à l’échec ?

Alors que le verger partagé de Castries n’est pas irrigué, il a beaucoup mieux résisté à la sécheresse et aux températures estivales élevées que les parcelles de monoculture fruitière. En voici les raisons qui précisent et complètent ce qui est dit au paragraphe précédent.

Plusieurs arbres issus de semis direct en août 2023

Avec la transformation progressive du verger en forêt verger, son sol se rapproche des sols forestiers qui ont une teneur élevée en matière organique. Or, la capacité d’un sol à retenir et stocker l’eau est directement proportionnelle à sa teneur en matière organique : 1 % de gain du sol en matière organique équivaut à 200 m³ d’eau supplémentaire par hectare. L’eau de pluie s’infiltre dans le sol du verger que la présence de nombreuses racines et d’humus a rendu plus poreux ; elle peut même parfois rejoindre la nappe phréatique qui est peu profonde dans le secteur. A l’eau de pluie s’ajoute l’eau de la rosée qui pourrait atteindre jusqu’à 3 mm par jour. La rosée contribue aussi à maintenir l’humidité du sol y compris en périodes sèches.

L’évapotranspiration des herbacées qui couvrent l’intégralité du verger diminue la température du couvert végétal et crée de ce fait un micro-climat dont profitent les arbres fruitiers puisqu’ils souffrent moins de la chaleur.

Le semis direct de différentes espèces et variétés d’arbres fruitiers ainsi que l’enherbement permanent du verger favorisent la mycorhization par plus d’une centaine de champignons différents, de même que le sureau, les ronces, le lierre, le prunelier, l’aubépine et le noisetier. En effet, les arbres fruitiers majoritairement de la famille des rosacées sont endomycorhizés de même que les herbacées (voir schéma ci-dessous). Les mycorhizes multiplient par 10000 la surface d’exploration des racines de la plante hôte et par un mécanisme physiologique pas encore totalement élucidé fournissent de l’eau et des sels minéraux à la plante hôte et permettent aussi l’échange de substances entre les arbres, utiles dans la prévention des maladies et contre les insectes ravageurs. Au final, les mycorhizes augmentent la croissance des arbres fruitiers puisque le manque d’eau est le principal facteur limitant cette croissance en régime méditerranéen.

Les différents types de mycorhizes @ Marc-André Selosse

Notons que le robinet d’irrigation BRL utilisé les deux premières années pour irriguer les arbustes fruitiers qui venaient d’être plantés n’est plus utilisé depuis lors puisque Le Verger de Castries a choisi de n’irriguer ni les arbres plantés au delà des deux premières années ni les nouveaux arbres issus de semis direct.

Poursuivre et essaimer

Sur le plan économique, la forêt verger de Castries fonctionne dans l’esprit du « Zéro Budget Natural Farming » en plein développement en Inde, comme alternative à l’agriculture intensive. La forêt verger produit des fruits sur plusieurs mois dans l’année et ses arbres fruitiers rustiques devraient vivre de 80 à 100 ans, alors qu’une monoculture d’arbres fruitiers produit sur une courte période de l’année et ses arbres ont une durée de vie de 30 à 50 ans.

La cueillette des fruits par les membres du Verger partagé de Castries (et aussi par des habitants de Castries puisque la forêt verger est ouverte) est l’activité la plus importante, suivie de la taille des arbres non fruitiers et de l’entretien des sentiers pour limiter au mieux le piétinement du sol.

Il est important de poursuivre l’expérimentation de la forêt verger de Castries en continuant à densifier les 8000 m² par des semis directs et en observant quelles sont les espèces et variétés d’arbres fruitiers qui s’adaptent le mieux aux conditions climatiques de plus en plus difficiles en région méditerranéenne.

Il est également important de multiplier les forêts vergers de ce type à Castries, dans les communes de la métropole de Montpellier et au delà.

A Castries, des membres de l’association Le Jardin partagé de Castries ouvrent la voie de l’essaimage :

  • X a un voisin qui ne cultive pas une parcelle de 1 ha ; il lui a proposé de la semer pour en faire une forêt verger qui en augmentera la valeur économique et environnementale. Ils ont passé un accord écrit (commodat).
  • Y a près de chez elle un petit terrain de la mairie non utilisé ; elle fait une démarche pour avoir l’autorisation de le semer.
  • Z possède un terrain en friche dans un village voisin ; il va le semer.

À noter qu’à Castries, une forêt verger naturelle s’est installée sans aucune intervention humaine sur le ballast de la voie de chemin de fer abandonnée depuis quarante ans.

L’association Le Verger partagé de Castries propose d’organiser des bourses de semences et des équipes de semeurs. Il faut semer dans les herbes dès maintenant les noyaux d’abricot, de pêche et de prune qui viennent d’être récoltés, pour une germination à la fin de l’hiver prochain.

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Ce texte a été rédigé par Le Verger partagé de Castries, mis en forme par Eau Secours 34 et relu par Semeurs de Jardins.

Eau Secours 34 et Semeurs de Jardins sont membres du Collectif Ceinture Verte de Montpellier.

Commentaires soumis pour la concertation sur le projet de valorisation énergétique des boues de Maera

I. Dossier de la concertation préalable

II. Les 2 contributions écrites par Eau Secours 34 et soumises lors de la concertation

1er avril 2023

Je remercie la régie des eaux et la métropole de Montpellier pour cette concertation préalable sur la future filière de traitement des boues de Maera, notamment la dernière étape du traitement intitulée « unité de valorisation énergétique des boues » consistant à incinérer les boues résiduelles après l’étape précédente de biométhanisation et digestion anaérobie. Mais je regrette que le dossier de concertation ne soit pas aussi objectif et clair qu’il prétend l’être, ce qui limite la portée et l’intérêt de la concertation.

Les 4 scénarii pour la filière de traitement des boues, étudiés en étude préliminaire, sont présentés sommairement en page 4 du dossier puis évalués qualitativement selon 4 enjeux mis en avant par le maître d’ouvrage. Celui-ci justifie le choix du scénario 4 (« unité de valorisation énergétique des boues », c’est-à-dire incinération des boues résiduelles) parce qu’il est selon lui le seul à répondre parfaitement aux 4 enjeux. Le scénario 4 est alors décrit plus en détail. Or, la présentation et l’évaluation des différents scenarii ainsi que la description détaillée du scénario 4 retenu par le maître d’ouvrage sont entachées d’omissions, d’erreurs et de contre-vérités. Cela va être difficile dans ces conditions d’avoir des contributions à la concertation avec des questions et des avis pertinents de la part des usagers, quelque soit leur connaissance du sujet. Il suffit de lire les rares contributions écrites pour s’en convaincre.

Je m’étonne par ailleurs qu’il n’y ait aucun chiffrage du rapport coûts/bénéfices même sommaire des différents scénarii, sachant que la part assainissement de notre facture d’eau va augmenter systématiquement dans les années qui viennent pour couvrir les coûts d’investissement (modernisation/extension de Maera) mais aussi les coûts d’exploitation. En page 19, le coût d’investissement de l’unité de valorisation énergétique des boues est estimé à 14,6 millions d’euros. Mais il n’y aucune estimation de son coût d’exploitation qui n’est pas nul puisqu’il faudra embaucher 7 personnes supplémentaires pour l’exploitation de cette seule unité de valorisation énergétique des boues.

L’étape de biométhanisation et digestion anaérobie est présentée en page 9 du dossier. La technologie de dessablage MERCANT n’existe pas ; il s’agit très probablement de la technologie MECTAN brevetée par Veolia. D’ailleurs toutes les technologies retenues dans la filière de traitement des boues sont des technologie d’origine et sous brevet Veolia : MECTAN (dessablage), Spiflow (flottation des MES), Biostyr (biofiltration), Pyrofluid (incinération). Il aurait été intéressant d’indiquer les technologies de dessablage, flottation des MES, biofiltration et incinération concurrentes à celles de Veolia et de justifier en quelques mots le choix de ces dernières.

Le scénario 1 consiste à éliminer les boues résiduelles par oxydation par voie humide. L’ oxydation par voie humide est une incinération mais à plus basse température que l’incinération décrite dans le scénario 4 (370°C au lieu de 870°C). L’oxydation par voie humide pose plusieurs problèmes dont certains sont partiellement résolus soit par Mineralis (technologie Suez) soit par Athos (technologie Veolia). Le problème principal est la corrosion des pièces mécaniques métalliques par les résidus minéraux chauds et chargés d’oxydants. La corrosion entraîne un coût d’exploitation très élevé puisqu’il faut régulièrement changer les pièces mécaniques. C’est la raison pour laquelle l’oxydation par voie humide est peu utilisée par les stations d’épuration françaises et non pas le fait qu’elle soit énergivore. La chaleur dégagée par la réaction d’oxydation peut être récupérée pour préchauffer les boues, ce qui contredit l’affirmation « ne produit aucune énergie » en page 14. La station d’épuration de Rennes Beaurade utilise depuis 2012 la technologie Athos d’oxydation par voie humide ; l’exploitant de la station d’épuration a constaté que les résidus minéraux contenaient parfois des quantités importantes de métaux lourds et de « forever chemicals » (PFAS et autres) ne permettant pas leur utilisation en remblai et en voirie.

Il y a 3 stations d’épuration françaises utilisant la technologie Athos d’oxydation par voie humide contre 6 stations d’épuration françaises utilisant la technologie Pyrofluid d’incinération du scénario 4. La technologie Pyrofluid n’est pas si répandue que cela non plus. Contrairement à l’affirmation page 18, les précurseurs des dioxines et des furanes sont bien présents dans les boues d’assainissement de Maera et plus particulièrement en temps de pluie. En effet, le réseau de collecte des eaux usées étant en partie unitaire, c’est par les eaux de pluie collectées après plus ou moins de ruissellement par le réseau unitaire que les boues d’assainissement vont se charger de ces précurseurs et de métaux lourds. Leur présence explique en partie le refus de bon nombre agriculteurs d’épandre dans leurs champs les boues sous forme de compost (scénario 2) ou après séchage thermique (scénario 3). Dans le cas du scénario 4, la combustion des boues par la technologie Pyrofluid va donc produire plus ou moins de dioxines et de furanes qu’il faudra éliminer avec les métaux lourds par adsorption sur charbon actif.

Après ce long préliminaire, voici mon avis et mes questions. L’ unité de valorisation énergétique des boues (scénario 4) est la moins mauvaise solution mais comme pour toute solution basée sur l’incinération des boues résiduelles, il faut que l’on nous indique précisément qu’elle va être le devenir des produits d’incinération (résidus minéraux, REFIB et charbons actifs saturés de dioxines, furanes et métaux lourds). Il est dit page 16 que les résidus minéraux sont valorisables à 95-99 % en remblai ; c’est des chiffres données par Veolia mais est-ce que cela se vérifie dans les qqs stations d’épuration qui utilisent ce type de procédé d’incinération ? Il est dit page 16 que les REFIB seront évacués en installation de stockage de déchets non dangereux mais où ? Il serait temps que les sites de stockage de déchets soient sur le territoire de la ville de Montpellier qui est la source de l’essentiel de ces déchets et non plus sur le territoire des communes limitrophes. Rien n’est dit sur le devenir des charbons actifs qu’il faut bien changer au bout d’un certain temps. Une ISDND ne peut pas recevoir ces charbons actifs dégradés qui sont des déchets très dangereux. Alors où seront-ils stockés et dans quelles conditions ?

2 avril 2023

La Régie des eaux a décidé, en tant que Maître d’Ouvrage, de lancer une concertation préalable dans le cadre des articles R121-19 et L121-16 du Code de l’Environnement. En réalité la concertation a commencé depuis très longtemps, puisque les habitants de Lattes et des associations environnementales ont dénoncé les faiblesses de cette station d’épuration, laquelle n’a jamais répondu aux objectifs fixés par le Président de l’Agglomération de l’époque (2006). Comme il s’agit d’un projet global Modernisation/Extension et Unité de Valorisation Energétique (UVE) avec incinération des boues, on ne peut pas dissocier son extension de la valorisation thermique des boues. Lors de l’enquête publique sur la Rénovation/Modernisation/extension de la station d’épuration de Maera, son extension a été refusée ou non souhaitée sur ce lieu par une très large majorité de citoyens ainsi que par toutes les associations environnementales qui se sont exprimées. Je constate qu’il a été plus facile pour la Métropole de justifier cette demande d’extension par l’annonce d’une modernisation afin d’atténuer les contre-performances de celle-ci pour permettre, aux yeux des habitants, de justifier le montant très onéreux de 165 millions d’euros par de nouveaux investissements pour cette seconde rénovation, extension et modernisation de Maera et faire oublier une gestion globale déficiente. C’est également l’occasion de faire oublier le manque d’anticipation des besoins à venir de la gestion globale des stations d’épuration de Montpellier Métropole afin de nous proposer un projet qui puisse répondre à une gouvernance de long terme en prenant en compte l’adaptation aux dérèglements climatiques. Voici la présentation de l’extension-rénovation de la station d’épuration de la Céreirède à Lattes en 2006 telle qu’elle a été vendue aux habitants de l’Agglomération : « Maera, c’est une station pour le futur et un équipement en faveur du développement durable. Sa capacité de traitement est de 470 000 équivalents-habitants avec un débit moyen de 130 000 m3/jour. La restitution d’une eau épurée à près de 95 % et un rejet en mer des plus performants. Un process innovant, c’est aussi d’agir ainsi pour l’avenir … Ni odeur, ni bruit… l’assurance du meilleur taux d’épuration possible à ce jour, la garantie de la qualité des eaux de baignade sur le littoral maritime, la réhabilitation du Lez et des étangs, le traitement des premières eaux de pluie (les plus chargées en pollution), la suppression des nuisances sonores et olfactives de proximité… La Rolls-Royce des stations ? » En réalité, Maera n’a jamais répondu à tous les critères du contrat passé entre les élus de l’Agglomération avec les habitants de l’Agglomération puisque, sauf erreur ou omission de ma part, nous n’avons jamais obtenu la totalité des effets positifs qui étaient annoncés. Aujourd’hui, on veut reproduire, en pire, ce qui a été un échec hier, à partir de l’extension/Rénovation/modernisation de la station de d’épuration de la Céreirède, mise en service en 2006 sous le nom de Maera. On nous propose un projet qui est dénué de tout « bon sens », situé sur une zone inondable (sauf si une étude récente peut prouver le contraire), alors que le bassin versant du Lez s’artificialise chaque jour davantage (185 hectares pour la seule ville de Montpellier sur 12 ans, entre 2009 et 2020). Alors que le cycle de l’eau en France à l’horizon 2050 montre que nous sommes en périodes de sécheresse météorologique, agricole et hydrologique, que le futur de l’eau en 2050 est très inquiétant, Montpellier Métropole décide d’augmenter la capacité de traitement afin de l’envoyer en mer en pure perte… Quelle absurdité ! Alors que l’on aurait pu et que l’on pourrait encore avoir un projet global de gestion des eaux usées qui puisse répondre au « bon sens », à l’intérêt général, à l’adaptation aux dérèglements climatiques avec une vision à long terme à contrario du projet proposé. Comment peut-on accepter l’inacceptable sur ce lieu, alors que le projet global ne répond, ni au « bon sens », ni à l’intérêt général, ni à l’adaptation aux dérèglements climatiques ?

Afin de répondre aux besoins, à l’intérêt général et à l’adaptation aux dérèglements climatiques, il était et il serait nécessaire (ancienne demande) :

• De réduire le nombre de villes raccordées à Maera aux villes de Montpellier et celles qui sont situées en aval, (permettant d’assainir la zone littorale) et la laisser à sa capacité à 470 000 EH.

• De créer ou permettre des extensions à deux stations déjà existantes (ou plus, en fonction des besoins) situées au Nord-est et l’autre au Nord-ouest et dont la capacité de chacune serait de 50 000 EH avec extension possible à 100 000 EH et permettre la réutilisation des eaux traitées, là ou le besoin existe.

• De centraliser le traitement des boues à l’ensemble des stations d’épuration de la Métropole, hors Lattes, sur une plateforme à l’écart d’habitations dont Maera y serait connectée directement par une canalisation en évitant ainsi les transports par camions et prévoir le même principe pour d’autres stations (celles dont les capacités sont les plus importantes)

• Choix du traitement des boues sur ladite plateforme, soit par compostage ou par UVE en fonction d’un choix, avantages/inconvénients/Coûts.

Ce projet d’extension/modernisation de la station Maera et UVE avec incinération des boues, ne résoudra pas l’ensemble des problèmes, au mieux, il les améliorera, mais pour combien de temps ? Il ne génèrera que des perdants pour les habitants de la Métropole : pour le Sud, des pollutions aggravées et au Nord, la perte d’eau douce pour alimenter les nappes phréatiques plus utilisations diverses… Quant au projet du traitement des boues sur le site de la Céreirède, nous le percevons comme une indécence environnementale et un manque de respect vis-à-vis de la santé des habitants de Lattes qui subissent déjà le plus grand nombre de pollutions de la Métropole. Alors que l’on nous propose, aujourd’hui, une concertation préalable, on constate que le calendrier des travaux est prévu depuis le 22 octobre 2022 avec son démarrage en juin 2023 pour un montant de 165 millions d’euros d’un marché total de 249 millions d’euros et une fin des travaux en juin 2027.

Moralité : Non à l’extension de la station d’épuration à 660 000 ou 695 000 EH (équivalent habitant) ! Non à la création d’une unité de valorisation énergétique avec incinération des boues de Maera sur le site de la Céreirède.

III. Bilan de la concertation préalable

La régie des Eaux de la métropole de Montpellier, maître d’ouvrage du projet, a répondu à seulement une partie de nos questions et demandes dans le bilan.

Un choix technique contestable pour gérer les eaux pluviales et le risque d’inondation à l’université Paul Valéry

A Montpellier comme dans la plupart des grandes villes françaises, l’imperméabilisation des sols consécutive au développement urbain a fortement augmenté le ruissellement des eaux pluviales et donc le risque d’inondation. Contraintes et forcées, les villes se sont mises à gérer leurs eaux pluviales et elles ont décidé de le faire par un système « tout tuyaux », constitué par un réseau de collecte d’abord unitaire puis séparatif, et par des bassins de rétention stockant les eaux pluviales avant de les déverser dans le réseau de collecte. C’est le cas de Montpellier dont le réseau de collecte est très majoritairement séparatif à l’exception du centre historique (voir carte ci-dessous) et qui a construit à tour de bras des bassins de rétention enterrés ou à l’air libre raccordés à son réseau de collecte.

Cependant, depuis une vingtaine d’années, de plus en plus de villes prennent conscience des limites du « tout tuyaux » : coût élevé des infrastructures, pollution des milieux naturels, report et aggravation du risque d’inondation vers l’aval. Certaines de ces villes ont commencé à expérimenter avec succès des solutions alternatives au « tout tuyaux » comme l’infiltration à la parcelle. Ces solutions alternatives visent à gérer les eaux pluviales au plus près de là où elles tombent, réduisant de fait le ruissellement et les problèmes qui en découlent, et peuvent même améliorer la qualité de vie des habitants (lutte contre les îlots de chaleur, aménagement d’espaces verts etc). Les agences de l’eau préconisent désormais ces solutions alternatives qui permettent la déconnexion de parcelles au réseau de collecte et la (re)constitution d’une trame bleue et verte. Or, il y a plusieurs prérequis à la mise en œuvre de ces solutions alternatives ; il faut du foncier disponible pour l’infiltration (surfaces perméables ou désimperméabilisables), il faut que les services administratifs de la ville perçoivent l’intérêt de ces solutions et enfin les élus locaux doivent faire preuve d’une réelle volonté de changer de politique d’urbanisation. Ces prérequis n’existent pas vraiment à Montpellier comme le montre la construction d’un nième bassin de rétention devant l’entrée principale de l’université Paul Valéry à l’emplacement de l’ancien parking.

Lorsqu’il pleut sur le secteur qui va du FDI stadium à l’université Paul Valéry, les eaux pluviales ruissellent le long de l’avenue du Val de Montferrand et de la route de Mende et à travers le campus jusqu’à la place de la Voie Domitienne et même au delà. En cas de pluies moyennes à fortes, c’est un petit torrent qui dévale en direction de la place de la Voie Domitienne et cela d’autant plus facilement que le terrain est en légère pente vers Paul Valéry avec un sol très imperméable résultant de l’urbanisation anarchique qui a longtemps prévalu dans le quartier.

La modernisation de l’université Paul Valéry va augmenter la surface imperméabilisée du campus. En effet, plusieurs bâtiments sont en cours de construction et d’autres en cours d’extension ; le plus grand d’entre eux, l’atrium va occuper 15000 m² sur 4 niveaux soit 3750 m2 au sol. La place de la Voie Domitienne de 6500 m² va être réaménagée mais sans changer le rapport entre surfaces imperméabilisée et perméable : l’ancien parking de 4500 m² sera remplacé par un parvis en béton tramé à l’entrée de l’université ; l’espace vert de 2000 m² avec ses quelques arbres se transformera en parc et sa « qualité paysagère » sera améliorée (dixit la métropole de Montpellier). Comme l’espace vert de la place de la Voie Domitienne et les quelques toits végétalisés des nouveaux bâtiments (dont celui des moyens généraux) ne peuvent « compenser » l’augmentation du ruissellement et du risque d’inondation, il n’y a pas d’autre solution que de faire appel une fois de plus au « tout tuyaux ». En 2018, les principaux financeurs du projet de modernisation de l’université Paul Valéry (ministère de l’éducation nationale, région Occitanie, métropole de Montpellier) avaient présenté le projet aux habitants du quartier mais sans donner aucun détail sur l’aménagement hydraulique prévu pour gérer au mieux les eaux pluviales. Ce n’est que début juillet que Eau Secours 34 a pu obtenir des informations précises sur l’aménagement hydraulique et son fonctionnement.

Comme pour l’université des sciences de Montpellier, l’aménagement hydraulique sera un bassin de rétention des eaux pluviales enterré doté d’une dalle et de parois de béton étanche. Il sera situé sous le parvis et pourra stocker jusqu’à 4600 m³ d’eau de pluie. Lors de la visite de ce chantier organisée pour la presse le 5 juillet, il a été précisé que ce bassin ne pourra recevoir la totalité des eaux de ruissellement que pour des pluies d’occurrence décennale ; par conséquent, le bassin débordera en cas de pluies plus fortes et déversera automatiquement le surplus dans le réseau de collecte des eaux pluviales en aval. Ce bassin réduira donc le ruissellement et le risque d’inondation associé sur le secteur tout en les augmentant à l’aval, comme c’est toujours le cas avec ce type d’ouvrage.

15 juin 2022

17 juillet 2022

Mais de cela il n’en a pas été question lors de la visite du chantier, pas plus que de la technique utilisée pour retirer les sédiments chargés de micropolluants qui vont s’accumuler au fond du bassin. Eau Secours 34 a pris connaissance officieusement de la technique de curetage et c’est la pire technique d’un point de vue environnementale. La régie des eaux de la métropole de Montpellier fournira de l’eau potable qui sera injectée à 230 l/s au fond du bassin pour décrocher les sédiments ; les sédiments dilués seront déversés dans le réseau de collecte des eaux pluviales qui elles-mêmes se déverseront ensuite dans un cours d’eau (ruisseau du Chambéry puis Verdanson et Lez) avec leur charge de micropolluants.

Dans ces conditions, il n’est pas surprenant que les cours d’eau et en premier le Lez et la Mosson soient très loin d’atteindre le bon état au sens de la directive cadre sur l’eau. Utiliser de l’eau potable est aussi une idée pour le moins étrange alors que la régie investit fortement pour réduire les fuites sur son réseau de distribution et incite les usagers à économiser l’eau potable. Espérons au moins que les volumes d’eau potable utilisés seront facturés par la régie.