Impacts de la réforme territoriale sur les services de l’eau et de l’assainissement

Ce texte est le résumé d’une intervention de Eau Secours 34 dans une réunion publique le vendredi 1er février 2019 à Orléans, à l’invitation de Eau Secours Orléans, Attac Orléans et Iceo, l’association des usagers de l’eau d’Olivet. Cette réunion publique avait pour objectif de sensibiliser les habitants à la prise des compétences eau et assainissement par la métropole d’Orléans avec des contrats de délégation au privé qui expirent en 2023.

Décrire de manière pertinente les impacts de la réforme territoriale sur les services de l’eau et de l’assainissement à l’échelle nationale n’est pas facile pour deux raisons:

Tout d’abord, les 2 lois MAPTAM (Modernisation de l’Action Publique Territoriale et d’Affirmation des Métropoles, adoptée en 2014) et NOTRe (Nouvelle Organisation Territoriale de la République, adoptée en 2015) sur lesquelles reposent la réforme territoriale ont été particulièrement mal rédigées et ont donné lieu jusqu’en 2018 à de multiples polémiques, propositions d’amendement, vrais faux reculs du gouvernement… un vrai pataquès. Certains ont parlé à juste titre de « malfaçon législative » pour qualifier ces 2 lois.

Ensuite, la réforme territoriale qui consiste à transférer aux EPCI à fiscalité propre (c’est-à-dire les intercommunalités comme les métropoles, les communauté d’agglomération, les communautés de communes) certaines compétences, dont les services de l’eau et de l’assainissement, a des impacts différents selon les territoires concernés, et ces impacts peuvent être positifs et/ou négatifs.

L’intervention de Eau Secours 34 a tenté de dépasser les difficultés décrites ci-dessus en suivant une démarche consistant à analyser les impacts du transfert des compétences eau et assainissement sur le territoire de la métropole de Montpellier pour, d’une part en dégager quelques conclusions au niveau national, et d’autre part proposer une grille d’analyse pour d’autres territoires, comme celui de la métropole d’Orléans. Le choix de la métropole de Montpellier s’explique non seulement parce que Eau Secours 34 est actif sur ce territoire mais aussi parce qu’il y a des points communs avec la métropole d’Orléans.

Les services publics locaux de Montpellier Méditerranée Métropole

Montpellier Méditerranée Métropole est une intercommunalité de 31 communes avec une population d’environ 470000 habitants. En 2001 a été créée une Communauté d’Agglomération qui s’est transformée en Métropole en 2015.

La compétence assainissement a été transférée des communes à l’intercommunalité en 2001. En 2004, le conseil communautaire a adopté un schéma directeur assainissement. Ce schéma directeur rédigé par le bureau d’étude Egis Eau a permis d’obtenir un certain nombre de subventions de l’agence de l’eau pour mettre à niveau les stations d’épuration.

La compétence eau potable a été transférée des communes à l’intercommunalité en 2010. En 2013, le conseil communautaire a adopté un schéma directeur eau potable. Ce schéma directeur rédigé à nouveau par le bureau d’étude Egis Eau reprend les conclusions partiellement erronées de l’étude prospective Aqua2020 par BRL ingénierie (BRL ingénierie est une filiale de la société d’aménagement régional BRL qui a une concession pour pomper et distribuer de l’eau du Rhône dans les départements du Gard, de l’Hérault et de l’Aude). Il a permis d’obtenir une subvention de l’agence de l’eau pour lutter contre les fuites dans le réseau de distribution d’eau potable.

Même lorsqu’on s’intéresse d’abord aux compétences eau et assainissement, il faut aussi avoir en tête le transfert des compétences eaux pluviales, urbanisme et voirie. Pourquoi ? parce qu’elles sont en relation avec l’eau et l’assainissement. Ces compétences ont été transférées des communes à Montpellier Méditerranée Métropole en 2015. Eaux pluviales, urbanisme et voirie sont des Services Publics à caractère Administratif (financés par les impôts locaux) alors que eau potable et assainissement sont des Services Publics Industriels et Commerciaux (financés par les factures des usagers).

La compétence assainissement de Montpellier Méditerranée Métropole

Le territoire de Montpellier Méditerranée Métropole a été découpé pour l’assainissement en 3 secteurs : Est, Ouest, Centre.

assainissement

En 2015, l’intercommunalité a signé 3 contrats de DSP d’une durée de 7 ans :

  • collecte et traitement des eaux usées des secteurs Est et Ouest (délégataire Aqualter)
  • collecte des eaux usées du secteur centre (délégataire Veolia)
  • exploitation de la station d’épuration Maera (délégataire Veolia)

Eau Secours 34 avait dénoncé à l’époque ces DSP, sachant que l’intercommunalité avait choisi parallèlement de créer une régie publique pour l’eau potable. Il nous avait été répondu qu’il était trop difficile de mener en même temps le retour en gestion publique pour l’eau et l’assainissement. Par ailleurs, l’intercommunalité s’engageait à retourner en gestion publique pour l’assainissement en 2021 à expiration des contrats de DSP, voire même avant grâce à une clause dans les contrats.

Quel bilan tirer du transfert de la compétence assainissement ? C’est un bilan mitigé.

Les communes n’étaient pas réellement en capacité financière (et technique) de remplacer ou rénover leurs stations d’épuration obsolètes. Nous devons porter au crédit de l’intercommunalité d’avoir remplacé 27 petites stations d’épuration obsolètes par 12 nouvelles stations d’épuration aux normes.

Par contre, le choix par l’intercommunalité de construire une grand station d’épuration en zone inondable pour traiter l’ensemble des eaux usées du secteur centre s’est révélé être une grave erreur, surtout avec 9 % de réseau unitaire.

Le transfert de compétence a aussi permis un prix unique de l’assainissement sur le territoire de la métropole. Selon les partisans du transfert de compétence, il en découlerait une solidarité renforcée à l’échelle de l’intercommunalité. Mais est-ce que cela va toujours dans le sens de l’intérêt général et des usagers ? Ce n’est pas certain surtout lorsque la gestion du service est déléguée au privé.

Le projet d’extension et de modernisation de la station d’épuration Maera

Maera a été conçue et est exploitée par Veolia depuis sa mise en service en 2005. Elle traite les eaux usées des communes du secteur centre. Sa capacité de 470000 EqH est suffisante, en théorie, même après le raccordement récent de la commune de Castries et de 5 communes hors métropole de Montpellier dont Palavas.

La filière eau utilise la biofiltration (biostyr) pour éliminer les polluants carbonés mais pas les polluants azotés et phosphatés. Les eaux usées ainsi traitées sont rejetées au large de Palavas via un émissaire en mer.

maera

La filière boue pratique la digestion anaérobie avec cogénération de chaleur et d’électricité à partir du biométhane, et les boues résiduelles après digestion sont compostées à plusieurs dizaines de km de la station d’épuration.

En période de fortes pluies (fréquentes dans la région, épisodes cévenoles), le réseau unitaire (9% du réseau de collecte) et les eaux parasites font « déborder » la station d’épuration. Celle-ci n’a pas d’autre solution que de rejeter les eaux usées non traitées directement dans le Lez, entraînant la pollution de ce petit fleuve méditerranéen mais aussi celle des étangs et de la plage de Palavas. Cela s’appelle des bypass et ils sont assez fréquents tous les ans (entre 25 et 30 jours). A titre de comparaison, la principale station d’épuration sur le territoire de la métropole d’Orléans pratique 3 fois plus de bypass dans la Loire, du fait d’un réseau de collecte fortement unitaire.

La métropole a décidé l’extension et la modernisation de Maera avec plusieurs objectifs :

  • élimination des odeurs
  • augmentation de la capacité de traitement pour réduire le nombre de bypass
  • élimination des boues résiduelles

Montpellier Méditerranée Métropole va passer prochainement un marché public pour l’exploitation, l’extension et la modernisation de Maera avant l’expiration du contrat de DSP en 2021. La clause du contrat permet l’interruption de la DSP mais en dédommageant Veolia de la perte à gagner. La métropole a obtenu de Veolia qu’il ne soit pas dédommagé. Mais en échange de quoi ? Probablement en échange de l’attribution de ce marché.

L’attribution de ce marché avant les élections municipales empêche la possibilité de passer en régie après expiration du contrat.

La compétence eau potable de Montpellier Méditerranée Métropole

alimentation en eau potable

La régie des eaux de Montpellier Méditerranée Métropole dessert 13 communes sur 31, soit environ 80 % des usagers, depuis le 1er janvier 2016. C’est une régie à autonomie financière et personnalité morale.

Le passage en régie a permis une baisse du prix de l’eau de 10 %, tout en multipliant par 3 les investissements (renouvellement des réseaux, rénovation des réservoirs, etc.).

Montpellier Méditerranée Métropole est en représentation/substitution dans les syndicats intercommunaux Syndicat Garrigue Campagne (SGC) et Syndicat Bas Languedoc (SBL) pour les 18 communes restantes. Le prix de l’eau est plus élevé pour les usagers de ces communes que pour les usagers de la régie.

Plusieurs contrats de DSP (délégataire Veolia pour le SGC, délégataire Suez pour le SBL) arrivent à expiration en 2021. Plusieurs communes ont émis le souhait de quitter le SGC ou le SBL pour rejoindre la régie en 2021.

Quel territoire pertinent pour gérer l’eau ?

La critique la plus fréquente du transfert des compétences eau et assainissement, c’est que le périmètre de l’intercommunalité est rarement le périmètre pertinent pour gérer l’eau. Avec pour corollaire, que le périmètre des communes et des syndicats intercommunaux serait souvent plus pertinent.

La Communauté d’Agglomération de Montpellier (CAM) créée en 2005 devait comporter plus de 31 communes. Mais essentiellement pour des raisons « politiciennes » certaines communes ont préféré créer la Communauté de Commune du Grand Pic Saint Lou et la Communauté d’Agglomération du Pays de l’Or.

Les syndicats intercommunaux ont aussi été créés plus par « affinité politique » qu’en lien avec les ressources locales en eau.

Le Syndicat du Salaison dont toutes les communes membres appartenaient à la CAM a du être dissous en 2015 et les communes qui en faisaient partie sont actuellement desservies par la régie des eaux de Montpellier Méditerranée Métropole. La loi NOTRe n’oblige pas à dissoudre les 2 autres syndicats intercommunaux (SGC et SBL) parce qu’ils sont à cheval sur plusieurs intercommunalités.

Actuellement, les 3 intercommunalités et les 2 syndicats intercommunaux s’achètent et se vendent de l’eau. Tous utilisent de l’eau du Rhône fournie par BRL en plus de ressources locales en eau.

L’expérience montpelliéraine montre que l’intercommunalité est effectivement rarement le périmètre pertinent pour gérer l’eau. Mais les syndicats intercommunaux et les communes ne le sont pas forcément davantage.

Par contre, il est certain qu’il y a plus de démocratie de proximité dans les communes de petite taille. En démocratie, small is beautiful, l’eau ne fait pas exception à cette règle.

La mutualisation, avantage réel ou fictif?

L’argument suivant en faveur du transfert de compétence est souvent avancé : le transfert de compétence aux intercommunalités entraînerait une mutualisation des ressources techniques et économiques qui permettrait en retour d’améliorer le prix et la qualité du service.

Qu’en est-il vraiment ? En fait, l’amélioration du prix et de la qualité du service découlant de la mutualisation est souvent moins marquée que prévu.

De plus, dans certaines petites intercommunalités (rural, montagne) le transfert de compétence dégrade même le prix et la qualité du service dans un premier temps. Pourquoi ? parce que ces intercommunalités doivent acquérir des ressources humaines et techniques qu’elles n’ont pas au départ pour exercer correctement la compétence, et cela prend du temps et a un coût qu’elles ont du mal à supporter.

Gestion publique ou gestion privée?

Finalement, le transfert de compétence aux intercommunalités favorise-t-il la gestion publique ou la gestion privée des services de l’eau et de l’assainissement ?

Le choix du mode de gestion du service public local dépend d’abord du contexte politico-administratif dans l’intercommunalité (élus, direction des services administratifs, pression des associations…). Mais cela dépend aussi de l’histoire du territoire et des compétences ou incompétences qui s’y sont développées. De ce point de vue, il n’y a pas de différence significative entre une commune et une intercommunalité, même si la bataille des associations pour la gestion publique est plus difficile à mener à l’échelle de l’intercommunalité.

En fait, le transfert de compétence pousse surtout à réduire le nombre d’opérateurs (publics et privés) dans l’intercommunalité. La loi NOTRe n’oblige pas à réduire le nombre d’opérateurs mais incite fortement à le faire, en demandant à ce que soit mis le plus rapidement en place un prix unique d’accès au service. La métropole de Montpellier a ainsi remplacé 7 DSP eau potable par 1 régie, alors que la métropole de Toulouse vient de remplacer des régies, des DSP et des marchés d’exploitation par une concession unique pour l’eau potable (concessionnaire Veolia) et une concession unique pour l’assainissement (concessionnaire Suez).

Commentaires sur l’audit du fonctionnement de la régie des eaux de Montpellier Méditerranée Métropole

La métropole de Montpellier a confié au cabinet IRH Ingénieur Conseil la réalisation d’un audit sur le fonctionnement de sa régie des eaux. Cet audit, qui portait sur les 19 premiers mois de fonctionnement de la régie, a été présenté le 31 mai 2018 devant le Conseil métropolitain, puis le 25 juin 2018 devant le Conseil d’administration de la régie, et enfin le 2 juillet 2018 devant la Commission eau et assainissement de la métropole.

Le débat qui a suivi la présentation de l’audit IRH devant le Conseil métropolitain a été particulièrement houleux. Le maire de Grabels, ex-président du Conseil d’administration de la régie, faisait remarquer que le rapport d’audit contenait une page copiée-collée provenant d’un rapport sur la gestion de l’eau d’une collectivité de la région parisienne, et que la note de synthèse sur laquelle devait voter le Conseil métropolitain était loin de correspondre au contenu du rapport. Finalement, le président de la métropole de Montpellier annulait purement et simplement la délibération.

Une analyse très critique du rapport d’audit réalisée par Thierry Ruf, représentant la commune de Jacou et ex vice-président de la régie, a été lue lors du débat qui a suivi la présentation de l’audit IRH devant la Commission eau et assainissement.

Etonnamment, la présentation de l’audit IRH n’était pas à l’ordre du jour de la réunion du Conseil d’administration de la régie que ses membres reçoivent une semaine avant avec les documents utiles aux différentes délibérations. La présentation et le débat qui s’en est suivi ont occupé la 1ère partie de la réunion, par ailleurs fort chargée. Alors que les représentantes de 2 des associations, membres du Conseil d’administration, soulignaient la mauvaise qualité de la présentation orale par l’auditeur IRH et le manque de lisibilité du diaporama, le représentant de Eau Secours 34 soulevait plusieurs points du rapport qu’il considère comme très contestables. C’est l’exposé de ces différents points et les réponses apportées par IRH et la Direction eau et assainissement de la métropole qui font l’objet de ces commentaires.

Un audit pourquoi et comment ?

L’audit a été présenté sous la forme d’un diaporama powerpoint constitué de 3 volets : organisation et qualité ; salariat et social ; gouvernance. Il synthétise les données sur les 19 mois de fonctionnement de la régie qui lui ont été communiquées par celle-ci et propose des pistes d’amélioration.

Pourquoi la métropole par l’intermédiaire de sa Direction de l’eau et de l’assainissement a-t-elle demandé un audit externe sur les 19 premiers mois de fonctionnement de la régie ? La Direction de l’eau et de l’assainissement qui dispose de l’ensemble des données de fonctionnement de la régie n’est pas sans savoir que les données portant sur les 19 premiers mois d’existence d’une régie ne permettent ni de tirer des conclusions fiables sur son fonctionnement présent, ni de proposer des pistes d’amélioration pertinentes pour le futur : les données de la première année notamment le budget reflètent les opérations de mise en place de la régie (embauche du personnel, installation dans les nouveaux locaux, rachat de biens de reprise…) et pas son fonctionnement normal ; les données des 6 mois suivants sont partielles et doivent être consolidées en fin d’année.

La méthode retenue pour la réalisation de l’audit a été pour le moins surprenante. Les principaux acteurs concernés par l’audit, à savoir les membres du Conseil d’administration et le personnel de la régie, n’ont pas été interviewés par IRH. Le représentant de Eau Secours 34 faisant remarquer que dans ce type d’audit les acteurs étaient toujours interviewés et consultés, IRH lui a répondu que l’audit était une image à un instant t du fonctionnement de la régie et que l’interview des acteurs aurait pu porter atteinte à l’objectivité de l’image. Or, c’est justement l’inverse. De plus, interroger les membres du Conseil d’administration et le personnel de la régie aurait permis d’éviter un certain nombre d’approximations, d’affirmations erronées et de pistes d’amélioration pour le moins farfelues, que ce texte va décrire ci-dessous.

Plusieurs élus membres du Conseil d’administration ont demandé à disposer du rapport d’audit pour réfléchir aux différentes pistes d’amélioration proposés. La directrice de l’eau et de l’assainissement qui représentait la métropole dans cette réunion du Conseil d’administration a tout simplement refusé. A quoi sert donc réellement cet audit dont le rapport n’est fourni ni aux conseillers métropolitains ni aux membres du Conseil d’administration de la régie ?

La gestion des usagers et la facturation

La reprise intégrale de la gestion des usagers et de la facturation par une régie publique nouvellement créée est complexe et chronophage. Cette reprise intégrale n’ayant pas pu être réalisée au démarrage de la régie des eaux de Montpellier Méditerranée Métropole le 1er janvier 2016, celle-ci a du sous-traiter à l’ancien délégataire Veolia l’essentiel de ces 2 fonctions, sous la forme d’un marché public de 2 ans renouvelable 2 fois un an si nécessaire.

Parallèlement à ce marché public de 4 ans maximum, la régie :

  • se dotait d’une équipe « Relations usagers » de 6 personnes effectuant des tâches de la gestion des usagers non prises en charge par le prestataire de services Veolia,
  • mettait en place un guichet unique avec la métropole,
  • demandait au bureau d’études Syneor de réfléchir à la future architecture de la gestion des usagers et de la facturation

Eau Secours 34 a toujours soutenu l’idée qu’il fallait que la régie arrête de sous-traiter à Veolia sa gestion des usagers et de sa facturation dès que possible, et cela pour plusieurs raisons : le coût en est trop élevé ; la prestation de services est de qualité médiocre ; l’absence d’intégration des logiciels de Veolia avec ceux de la régie complique inutilement le fonctionnement de la régie, notamment le recouvrement des factures. De plus, Eau Secours 34 considère que la gestion des usagers et la facturation sont des fonctions essentielles de toute régie et ne doivent pas dépendre d’une entreprise privée, encore moins lorsque celle-ci est l’ancien délégataire.

Aussi, c’est sans surprise que le représentant de Eau Secours 34 dans le Conseil d’administration de la régie a pris connaissance de l’étude de Syneor, présentée le 25 septembre 2017 en séance du Conseil d’administration. Cette étude préconisait l’internalisation totale de la facturation et l’internalisation quasi-totale de la gestion des usagers. S’appuyant sur l’exemple d’autres régies, l’étude démontrait que l’internalisation permet à la régie de faire très rapidement des économies substantielles. Syneor proposait que seule l’éditique soit sous-traitée à une entreprise spécialisée et que le personnel du centre d’appels soit constitué en partie de prestataires provenant d’une entreprise spécialisée, en écartant les entreprises du domaine de l’eau. Le Conseil d’administration votait à l’unanimité le principe de l’internalisation telle que préconisée par Syneor et chargeait la direction des finances de la régie du projet d’internalisation.

Dès son entrée en fonction, la nouvelle présidente du Conseil d’administration de la régie, décidait d’arrêter le projet d’internalisation, à la demande semble-t-il de la Direction de l’eau et de l’assainissement, et ce sans en informer le Conseil d’administration. C’est lors d’une question posée par le représentant de Eau Secours 34 que le Conseil d’administration prenait connaissance de cette décision. Et le directeur de la régie précisait que la régie s’orienterait probablement vers un nouveau contrat de même type à l’expiration du contrat en cours.

De tout cela, il en a été fort peu question dans le rapport et lors de la présentation IRH. Le rapport ne propose aucune piste d’amélioration de la gestion des usagers et de la facturation, laissant supposer que l’organisation actuelle est globalement satisfaisante et ne doit pas être remise en cause. La présentation a été particulièrement confuse. L’auditeur IRH insistait sur l’intérêt selon lui de mutualiser ces 2 fonctions à l’échelle de la métropole. Or, autant la mutualisation du centre d’appels et du guichet unique pour l’ensemble des services locaux de la métropole a du sens, autant la mutualisation de la facturation de ces services est un non-sens et n’est pratiquée nulle part en France.

Le recouvrement des factures

L’encaissement des factures et l’envoi de lettres de relance en cas de retard de paiement sont effectués par Veolia à qui est sous-traitée la facturation. Mais c’est l’agent comptable public de la régie qui se charge de recouvrer les factures impayées après avoir déclenché des procédures contentieuses. Le taux de factures impayés est de 3,3 % pour l’année 2017. Ce chiffre n’est pas définitif et doit être revu à la baisse puisque des procédures contentieuses se poursuivent en 2018 et ne seront interrompues qu’au bout de 4 ans. De plus, l’abandon de créances sera probablement extrêmement marginal comme en 2016 (0,1%).

Dans le débat faisant suite à la présentation, IRH a déclaré que le taux de factures impayées était trop élevé et que confier la tâche du recouvrement à l’agent comptable public de la régie n’était pas forcément la meilleure idée, démontrant par là même une méconnaissance du contexte local et un a priori idéologique. Le taux de factures impayées reflète d’abord le contexte local, bien avant l’efficacité des procédures de recouvrement mises en œuvre.

La métropole de Montpellier se caractérise par une tendance à la hausse des inégalités sociales qui sont déjà supérieures à la moyenne nationale, un fort turn over dans les logements notamment des étudiants, et chaque année un nombre très élevé de faillites de petites et moyennes entreprises ; toutes choses qui contribuent à la plupart des retards de paiement de factures et donc à beaucoup de procédures contentieuses. Malgré cela, le taux de factures impayées est inférieur à celui d’intercommunalités dont le contexte local est similaire.

En mettant en avant les difficultés rencontrées par l’agent comptable public de la régie à recouvrer certaines factures, IRH suggère implicitement qu’un prestataire privé serait plus efficace. Et le prestataire privé auquel pense IRH, c’est Veolia à qui sont sous-traités actuellement à la fois la gestion des usagers et la facturation de la régie. Or, c’est Veolia qui est précisément responsable des difficultés rencontrées par l’agent comptable. En effet, il manque des informations essentielles concernant certains usagers dans le fichier des usagers que Veolia a remis en tant que bien de retour, dans le cadre du protocole de fin de contrat signé avec la Direction de l’eau et l’assainissement et l’ex-président de la régie. Ne disposant pas de ces informations, l’agent comptable ne peut pas retrouver certaines personnes qui ont quitté la métropole sans payer leurs dernières factures d’eau, et entamer une procédure contentieuse à leur égard. La mise à jour du fichier usagers, entreprise par le service comptable de la régie, permettra à terme de régler ces problèmes et donc d’améliorer le taux de recouvrement des factures.

Le représentant du personnel a également soulevé le problème du non-paiement par certaines communes de factures pour des travaux effectués par la régie sur leur périmètre. Ce « cadeau » est contraire au principe de l’eau paie l’eau. Les élus du Conseil d’administration, pourtant prompts à s’inquiéter du manque à gagner dû aux factures impayées, la directrice de l’eau et de l’assainissement, et le directeur de la régie ont été bien silencieux face à ce problème.

Enfin, IRH a proposé que soit assuré un suivi du taux de factures impayées. Mais ce suivi existe déjà puisque l’agent comptable et le directeur de la régie informent régulièrement le Conseil d’administration sur l’évolution du taux de factures impayées.

La commande publique et la commission d’appel d’offres

L’attribution d’un marché de fournitures et services ou d’un marché de travaux peut se faire par une des procédures suivantes : une procédure notifiée par le directeur de la régie sans publicité ni mise en concurrence préalables ; une procédure adaptée dont les modalités de publicité et de mise en concurrence préalables sont déterminées par le directeur de la régie ; une procédure d’appel d’offres formalisée. Dans les procédures notifiées et adaptées, le directeur de la régie a une délégation de pouvoir pour attribuer un marché sans en demander l’autorisation au Conseil d’administration qu’il informe une fois le marché attribué. Dans les procédures d’appel d’offres formalisées, le directeur de la régie demande au Conseil d’administration l’autorisation de lancer un appel d’offres puis se charge de la publicité et de la mise en concurrence; enfin la commission d’appel d’offres choisit le prestataire en fonction d’un rapport fourni par le directeur de la régie. La commission d’appel d’offres est présidée par le directeur de la régie et composée de 5 membres du Conseil d’administration avec voix délibérative, auxquels se joignent le comptable public de la régie et le représentant du Ministre en charge de la concurrence avec voix consultative.

Les normes européennes transposées dans la législation française interdisent d’avoir recours à une procédure notifiée ou à une procédure adaptée lorsque le montant du marché dépasse un certain seuil. Ce seuil était en 2017 de 5 186 000 euros pour les procédures adaptées.

Jusqu’en mai 2017, le seuil fixé par la régie était de 418 000 euros pour les marchés de fournitures et services, et de 500 000 euros pour les marchés de travaux. Au delà de ces montants, la régie devait donc lancer une procédure d’appel d’offres formalisée pour l’attribution du marché. Ce seuil bien adapté au fonctionnement de la régie permettait au directeur de la régie d’attribuer rapidement les petits marchés ne nécessitant pas la lourdeur d’un appel d’offres et le contrôle du Conseil d’administration.

Le 24 avril 2017, le Conseil d’administration votait, à l’unanimité moins la voix du représentant de Eau Secours 34, un nouveau seuil de 2,5 millions d’euros pour les marchés de travaux, « afin de respecter la planification de réalisation des investissements, […] en particulier dans le cadre des opérations confiées en maîtrise d’ouvrage déléguée à la métropole ». Le représentant de Eau Secours 34 faisait alors remarquer que, de par cette décision, le Conseil d’administration n’aurait plus son mot à dire sur l’attribution de la plupart des marchés de travaux, ce qui était contraire à l’esprit d’une régie à autonomie financière et personnalité morale. Le rapport de l’audit IRH va dans le même sens en préconisant de « redonner du pouvoir décisionnaire au Conseil d’administration en réduisant les délégations accordées au directeur de la régie en matière de marchés publics ». Il est intéressant de noter que les élus membres du Conseil d’administration, qui avaient voté le 24 avril 2017 pour davantage de délégations au directeur de la régie, ont approuvé sans réserve l’auditeur IRH qui préconisait l’inverse environ un an après. Les élus votent-ils pour ce qui leur semble le mieux pour la régie et les usagers de l’eau ou en fonction d’accords politiques sans rapport direct ?

En conclusion

Le président de la métropole de Montpellier avait fait 2 choix forts en terme de gouvernance contre l’avis de la Direction de l’eau et de l’assainissement : une régie à autonomie financière et personnalité morale pour gérer les services eau potable et eau brute, avec la présence d’une personne qualifiée, du représentant du personnel, de plusieurs représentants d’associations dans son Conseil d’administration ; un observatoire de l’eau, instance de concertation sur la politique de l’eau de la métropole, ouverte à l’ensemble des acteurs concernés y compris les usagers de l’eau. La gouvernance de l’eau à Montpellier était dès lors considérée comme exemplaire partout en France et en Europe. Force est de constater qu’il ne reste plus grand-chose de cette exemplarité aujourd’hui après plusieurs mois de détricotage : la régie est progressivement dépouillée de sa personnalité morale ; le président et le bureau de l’observatoire de l’eau ont démissionné constatant que la métropole ne donnait pas à l’observatoire les moyens de fonctionner correctement.

L’audit IRH est un mauvais coup porté à la régie et s’inscrit dans le détricotage décrit ci-dessous. Le président de la métropole de Montpellier utilise cet audit pour justifier l’éviction du précédent président du Conseil d’administration de la régie ainsi que de plusieurs de ses membres, et se projette dès maintenant dans la campagne électorale des municipales. La Direction de l’eau et de l’assainissement utilise cet audit pour bloquer tous les projets de la régie considérés comme relevant de sa personnalité morale.

L’audit et son utilisation mais aussi plusieurs décisions et déclarations récentes de la métropole interpellent quant au devenir de la régie des eaux, tout au moins dans sa forme actuelle. Par exemple, la métropole par sa Direction de l’eau et de l’assainissement a choisi de desservir en eau brute plusieurs communes en passant directement un contrat avec BRL ; elle voudrait supprimer le service eau brute de la régie qu’elle ne s’y prendrait pas autrement. De même, l’intégration dans la régie de communes, actuellement desservies par le Syndicat Garrigues Campagne ou le Syndicat Bas Languedoc et qui en feraient la demande après expiration de leurs contrats de DSP, n’est plus d’actualité.

La bataille pour une gestion de l’eau et de l’assainissement sur le territoire de métropole, qui soit à la fois démocratique, écologique et sociale, est loin d’être terminée. Les quelques acquis allant dans ce sens peuvent être remis en question à tout moment. Comme déjà dans le passé, Eau Secours 34 interpellera l’ensemble des candidats aux prochaines élections municipales en leur demandant de prendre clairement position sur la gestion de l’eau et l’assainissement qu’ils souhaitent dans la métropole pour leurs concitoyen(ne)s.

Conférence de presse sur l’audit de la régie des eaux de Montpellier Méditerranée Métropole

Extraits de la conférence de presse après la présentation de l’audit de la régie des eaux de Montpellier Méditerranée Métropole devant le conseil métropolitain, le 31 mai 2018 :

  • Intervention de René Revol, ex président de la régie des eaux et maire de Grabels
  • Intervention de Thierry Ruf, ex vice-président de la régie des eaux et chercheur à l’IRD

 

 

Le droit d’accès à l’eau et à l’assainissement dans le monde

Vidéo de la conférence-débat organisée par le comité local Attac avec le soutien de Eau Secours 34, à Montpellier le mardi 20 juin 2017 sur “Le droit d’accès à l’eau et à l’assainissement et sa mise en œuvre dans le monde”, avec Sylvie Paquerot, professeure en sciences politiques de l’université d’Ottawa.

Sylvie Paquerot étudie depuis longtemps les enjeux politiques du droit d’accès à l’eau et à l’assainissement dans le monde. Actuellement, elle s’intéresse plus particulièrement aux luttes de communautés en Amérique du Sud et en Afrique contre les grandes entreprises minières canadiennes qui affectent leur droit d’accès à l’eau.

Après une brève introduction sur les enjeux politiques et les luttes sociales pour la reconnaissance de ce droit humain dans le monde, Sylvie Paquerot a répondu aux questions du comité local Attac, de Eau Secours 34 et du public. Cet échange a permis de faire un parallèle avec la situation en Europe et même à Montpellier et donc de décliner la reconnaissance du droit d’accès à l’eau et à l’assainissement du global au local.

 

La Communauté d’Agglomération de Montpellier a triché, l’association Eau Secours 34 condamnée !

Montpellier, 13 avril 2016

Les conditions anti-démocratiques dans lesquelles le Conseil d’Agglomération a décidé le 25 juillet 2013 de laisser la gestion de l’eau et de l’assainissement dans les mains d’entreprises privées sous la forme de 4 délégations de service public (DSP) ont amené Eau Secours 34 et des usagers de l’eau à déposer une requête en annulation de cette décision auprès du tribunal administratif.

Deux ans après notre requête en annulation – le principe d’une DSP pour la gestion de l’eau ayant été abandonné entre-temps au profit d’une régie publique –, le tribunal administratif vient de rejeter globalement tous nos arguments.

La requête en annulation de Eau Secours 34 portait principalement sur les points suivants :
1- Annonce de la décision de nouvelles DSP par le président de la CAM avant le vote du Conseil d’Agglomération sur ce sujet.
2- Impossibilité matérielle, pour les élus communautaires, à voter en toute connaissance de cause, ces derniers ayant reçu une masse considérable de documents impossible à analyser en juste 5 jours.
3- Insuffisance d’information des élus communautaires et information fondée sur des documents non fournis en séance, notamment le bilan financier des 25 ans de gestion de l’eau par Veolia.
4- Présentation par le président de la CAM et le rapporteur, vice président en charge de la commission eau et assainissement, d’informations erronées et invérifiables en séance, ayant eu une incidence sur le vote, telles que le prix de l’eau de régies publiques comme celle de Paris.
5- Injures publiques, dénigrement, pressions par le rapporteur et le président de la CAM ayant porté atteinte à la sérénité des débats et ayant eu une incidence sur le vote, comme par exemple la comparaison par le rapporteur des élus communautaires pro-régie à des « collaborateurs de l’Allemagne nazie ».
6- Atteinte au caractère public de la séance du Conseil d’Agglomération du 25 juillet 2013, la société civile n’ayant pu accéder à la salle bourrée préalablement par du personnel de la CAM et des bureaux d’étude.

Pour avoir dénoncé la parodie de démocratie de la séance du Conseil d’Agglomération du 25 juillet 2013, Eau Secours 34 – une association refusant toute forme de subvention de la part des collectivités locales/territoriales et des entreprises privées pour préserver son indépendance – s’est vue de plus condamnée à verser 800 euros à Montpellier Méditerranée Métropole. Cherchez l’erreur !

Chacun-e pourra trouver sur le site de Eau Secours 34 :
– la synthèse de la requête en annulation
– le jugement du tribunal administratif

Renversement de situation

La Communauté d’Agglomération de Montpellier (CAM) constituée de 31 communes exerce la compétence pour l’assainissement depuis 2001 et celle pour l’eau potable depuis 2010. Plusieurs contrats de DSP (Délégation de Service Public) pour l’eau potable et l’assainissement expirant fin 2014, la CAM devait donc choisir entre continuer en gestion privée avec de nouveaux contrats de DSP ou opter pour la gestion publique en créant des régies publiques ou des sociétés publiques locales.

Le 25 juillet 2013, le conseil communautaire votait à une forte majorité la mise en œuvre d’une procédure dite « Loi Sapin ». Celle-ci présente la particularité de ne retenir que le principe de la préparation réglementaire d’une nouvelle DSP succédant à celle déjà en cours, le choix de la gestion publique ne pouvant intervenir dans ce cadre que de manière marginale. La délibération adoptée prévoyait donc de lancer, sur proposition de son président PS, Jean-Pierre Moure, et conformément à la réglementation (Code Général des Collectivités Territoriales et Loi Sapin), une consultation sous forme d’appels d’offre pour une DSP eau potable sur 13 communes, dont Montpellier, ainsi que trois DSP assainissement pour l’ensemble des communes de l’agglomération[1]. Seuls quelques conseillers votaient contre dont René Revol, maire de Grabels, et Philippe Saurel, conseiller municipal de Montpellier. Dans la foulée et comme l’impose la Loi Sapin, la CAM publiait les appels d’offres pour les quatre DSP d’une durée de 7 ans dans un journal officiel, en l’occurrence celui de l’Union Européenne.

Eau Secours 34 décidait alors, d’une part de déposer un recours contentieux auprès du tribunal administratif de Montpellier[2], et d’autre part d’interpeller les candidats aux élections municipales en leur demandant de se positionner sur le choix d’une gestion publique ou privée des services eau potable et assainissement sur le périmètre de l’agglomération. Grâce à une forte communication de Eau Secours 34 dans les médias associée à un travail d’information de la population, la question public-privé des services eau potable et assainissement est ainsi devenue progressivement le thème principal de la campagne électorale. Jean-Pierre Moure, candidat PS à la mairie de Montpellier, était donné largement vainqueur par les sondages en début de campagne. Mis en difficulté par Eau Secours 34 sur son choix de la gestion privée, Jean-Pierre Moure a progressivement perdu du terrain au profit de Philippe Saurel, dissident PS, qui s’était positionné clairement pour la gestion publique.

Finalement, Philippe Saurel était élu maire de Montpellier et devenait président de la CAM le 15 avril 2014. Le 22 avril 2014, René Revol était élu vice-président de la CAM en charge de l’eau et de l’assainissement et prenait la présidence de la commission Eau et Assainissement. Comme il s’y était engagé pendant la campagne électorale, Philippe Saurel interrompait la procédure Loi Sapin pour la DSP eau potable[3] avant l’ouverture des enveloppes (propositions des entreprises privées postulant à la DSP) au motif de l’intérêt général. Le 7 mai 2014, le nouveau conseil communautaire votait à une très large majorité la proposition par Philippe Saurel d’une régie publique pour le service eau potable des 13 communes. Il n’est pas sans intérêt de constater que la quasi-totalité des élus présents dans l’ancien et le nouveau conseil communautaire ont voté pour la DSP puis pour la régie publique à quelques mois d’intervalle.

Quelles leçons générales en tirer qui puissent servir ailleurs aux collectifs et associations luttant pour un retour en gestion publique ? Tout d’abord, il faut toujours garder à l’esprit que la législation française accorde au seul maire ou désormais président de l’EPCI à fiscalité propre[4] le plein pouvoir de décision concernant, d’une part le mode de gestion des services publics locaux de l’eau et de l’assainissement et, d’autre part l’entreprise privée retenue comme délégataire à l’issue de la procédure « Loi Sapin ». Le maire ou président de l’EPCI n’a pas de compte à rendre à la société civile et aux usagers sur ses choix qui sont faits en vertu d’un très vieux principe juridique, « l’intuitae personae »[5]. Pour que les associations et collectifs puissent néanmoins peser sur la prise de décision, il leur faut connaître l’agenda politique et avoir un minimum de maîtrise technique des différents modes de gestion ainsi que du fonctionnement d’un service public local de l’eau et de l’assainissement. Même lorsque c’est le cas, leur poids sera en général beaucoup plus faible que celui du service Eau et Assainissement de la collectivité locale ou que celui de Veolia, Suez et compagnie. Eau Secours 34 a bénéficié de la proximité des élections municipales et d’un contexte politique local très particulier. Il n’est pas dit que Philippe Saurel aurait interrompu la procédure Loi Sapin et décidé du passage en régie publique du service eau potable s’il avait eu l’investiture socialiste pour les élections municipales de Montpellier.

NOTES

[1] Cette précision est importante: toute collectivité qui a la ferme volonté de revenir en gestion publique peut parfaitement, avant la fin d’un contrat de DSP confié à une entreprise privée, faire l’économie d’un appel à la concurrence pour une nouvelle DSP. Elle peut engager directement la création d’une régie publique ou d’une société publique locale. Cela permet d’éviter le débat toujours biaisé, qui conduit dans l’écrasante majorité des cas, en raison même des impératifs et du calendrier de mise en œuvre de la procédure « Loi Sapin », à la signature d’un nouveau contrat de DSP avec une entreprise privée.

[2] Le recours contentieux déposé le 29 janvier 2014 par Eau Secours 34 et plusieurs usagers porte principalement sur le défaut d’information des conseillers communautaires avant la séance du 25 juillet 2013 et sur le caractère trompeur des informations communiquées par le rapporteur. Le 24 novembre 2015, les avocats de Montpellier Méditerranée Métropole (le 1er janvier 2015, la communauté d’agglomération s’est transformée en métropole) envoyaient un mémoire en défense réclamant 3000 euros de dommages et intérêts. Eau Secours 34 est en train de rédiger une réponse aux avocats avant que le recours soit jugé dans les semaines qui viennent.

[3] L’assainissement reste en gestion privée, ce que Eau Secours 34 n’a pas manqué de dénoncer. Deux DSP ont été attribuées à Veolia et une à Alteau.

[4] La loi NOTRe du 7 août 2015 portant Nouvelle Organisation Territoriale de la République a décidé le transfert des compétences eau et assainissement des communes aux Etablissements Publics de Coopération Intercommunale (EPCI) à fiscalité propre (Communauté de Communes, Communauté d’Agglomération, Métropoles…). Optionnel le 1er janvier 2018, ce transfert est obligatoire au 1er janvier 2020. Parallèlement, les compétences eau et assainissement exercées par des milliers de syndicats intercommunaux vont également être transférées aux EPCI à l’horizon 2020, dans le cadre de l’élaboration des nouveaux Schémas Départementaux de Coopération Intercommunale, actuellement mis en œuvre dans chaque département par les Préfets, et qui devront être finalisés avent le mois de juin 2016.

[5] « L’intuitae personae » signifie que la décision est prise en fonction de la conviction personnelle sans obligation de tenir compte des critères techniques et économiques.

Modes de gestion des services publics de l’eau et de l’assainissement

Présentation le 1er avril 2015 à Nîmes

Il y a une approximation dans la vidéo ci-dessous. Elle concerne la reprise du personnel du délégataire privé par la régie publique. Il n’y a pas obligation pour la régie publique de reprendre le personnel de l’ex-délégataire privé lorsque celui-ci est une entreprise qui mutualise le personnel sur plusieurs DSP comme c’est le plus souvent le cas avec Veolia, Suez et Saur. Il y aura reprise du personnel de Veolia dans la régie publique de Montpellier mais c’est le résultat d’un accord entre Veolia, les syndicats de Veolia et la régie publique et non pas le résultat d’une obligation légale.

 

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Lettre ouverte aux élus de la Communauté d’Agglomération de Montpellier

Montpellier, le 17 décembre 2014

Monsieur le Président, Madame, Monsieur,

Lors de la réunion du conseil d’Agglo du 18 décembre vous vous prononcerez sur l’exploitation de la source du Lez. Par ailleurs, le schéma directeur d’alimentation en eau potable prévoit la construction d’une usine de potabilisation de l’eau du Rhône à Valedeau. Cette usine va coûter dans les 75 millions d’euros. Les analyses de l’eau du Rhône ont révélé des taux importants de métaux lourds et de pesticides; la présence de résidus médicamenteux et de nanoparticules n’est pas contrôlée. L’eau de bonne qualité, qui nous alimente à partir de la source du Lez sera mélangée avec celle du Rhône qui est classée comme tout juste potabilisable.

Il est possible d‘éviter la construction de cette usine, en réduisant les pertes entre la source et le robinet, il y a aujourd’hui 26 % de perte soit plus de 8 millions de m3 par an. L‘économie de consommation est déjà réelle et peut encore s’améliorer. Pour Montpellier-Juvignac, entre 2009 et 2013 le volume distribué est passé de 30.301.000 à 28.145.000 m3 en 2013 alors que la population a progressé de 7.596 habitants (Rapport du délégataire 2013). En 2013 aucune eau du bas-Rhône n’a été injectée dans la station de potabilisation Arago.

Concernant l’exploitation actuelle, l‘étude du BRGM en date du 22 mai 2014 commandée par l’Agglo constate page 7: « un recours à la ressource BRL d’appoint faible, entre 0,6 et 2% des besoins en production du système Lez (environ 340 000 habitants) ». On lit dans Synthèse et Conclusion de l‘étude page 19: « Les résultats des simulations montrent que l’aquifère du Lez serait capable de soutenir un débit d’exploitation supérieur à l’actuel, un recours à la ressource de substitution (BRL…) resterait ponctuellement nécessaire. »

Il faut réserver l’eau de la source du Lez à la consommation humaine directe et développer des réserves d’eau notamment par stockage des eaux lors des périodes de pluie et de crues des rivières pour les besoins secondaires de lavage des rues, arrosage des jardins, irrigation.

A investir 75 Millions d’euros il serait plus avisé de les investir dans la construction de réservoirs et de réseaux secondaires d’eau brute à partir de ces ressources saisonnières. Ce faisant on pourrait ainsi du même coup améliorer la lutte préventive contre les inondations et donner un coup de fouet à la relance d’une agriculture de proximité à l’échelle de la « métropole ». Avec de la meilleure eau que celle du Rhône!

Aussi, Eau Secours 34 vous demande d’agir afin que soit abandonnée la construction de l’usine de potabilisation de l’eau du Rhône envisagée à Valedeau.

En attendant que notre demande soit prise en compte, nous vous prions Madame, Monsieur de recevoir nos salutations associatives.

Eau Secours 34