Quelles leçons tirer des inondations de l’automne 2014 ?

Montpellier, le 30 juin 2015

L’Hérault a été frappé durant l’automne 2014 par 3 épisodes méditerranéens très intenses: en quelques jours il a plu autant qu’en une année moyenne. Il s’en est suivi des inondations qui ont entraîné la mort de 4 personnes à Lamalou-les-bains et de gros dégâts matériels dans des communes de la métropole montpelliéraine, notamment Grabels. Il est apparu à cette occasion que la gestion du risque d’inondation dans notre département n’était pas à la hauteur des enjeux. Les mécanismes de protection contre les inondations (digues, bassins de rétention, bras déversoirs…) se sont révélés pour la plupart soit insuffisants, soit inadaptés. La violence des inondations directement liée au ruissellement des eaux de pluie sur des sols imperméabilisés a été largement sous-estimée. La prévision météo et les mécanismes d’alerte n’ont pas bien fonctionné. La gestion de crise par la préfecture, en particulier la communication en direction des communes, des automobilistes, des parents d’élèves, des responsables d’établissements scolaires et universitaires a été calamiteuse.

Le changement climatique est déjà responsable de l’augmentation de 30% de l’intensité des épisodes méditerranéens sur les 50 dernières années. Les inondations sont désormais des inondations éclair où tout est plus fort et plus rapide. Que faire dans ce contexte nouveau pour protéger les personnes et les biens du risque d’inondation ? Partout en France, les pouvoirs publics commencent à prendre conscience qu’il n’est pas possible d’empêcher les inondations les plus violentes en artificialisant les cours d’eau par l’endiguement, les barrages et la chenalisation. Il s’agit désormais de limiter les impacts des inondations sur les personnes et les biens. Comment ? En restaurant des zones humides, en facilitant l’infiltration de l’eau dans les zones d’expansion de crue, et en développant une culture du risque et une résilience dans les communes. Or, ce n’est pas la voie choisie dans notre département comme le démontrent plusieurs projets d’urbanisme récents : gare de la Mogère avec le futur quartier OZ1, Oxylane, ZAC Caylus… La gestion du risque d’inondation reste toujours subordonnée à une politique d’urbanisation effrénée. Pourtant continuer cette politique d’urbanisation ne peut que conduire à des inondations faisant plus de victimes et de dégâts.

La gestion des rivières selon l’agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse

Film d’animation de l’agence de l’eau Rhône-Méditerranée-Corse.

Redonnons à nos rivières un fonctionnement naturel pour limiter les crues, sécuriser les populations et améliorer la qualité de l’eau. L’agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse et la DREAL de bassin Rhône-Méditerranée vous présentent un film sur les 3 idées clés pour réussir la gestion de nos rivières: laisser plus d’espace à la rivière, freiner le débit de l’eau et gérer l’eau à l’échelle du bassin versant.

 

La gestion du risque d’inondation à l’épreuve des inondations dans l’Hérault durant l’automne 2014

1. Aléas climatiques et inondations

Les régions méditerranéennes subissent 2 types d’aléas climatiques, les épisodes méditerranéens et les tempêtes littorales.

Les épisodes méditerranéens sont des pluies en automne résultant de la rencontre d’une masse d’air chaud et humide provenant de la Méditerranée avec une masse d’air froid à l’intérieur des terres. Lorsque ces pluies sont fortes, elles entraînent parfois la crue des cours d’eau, le ruissellement des eaux de pluie sur les sols rendus imperméables par l’urbanisation et la remontée de nappe. Lorsque les tempêtes littorales sont fortes, elles entraînent parfois une submersion marine.

Ce sont la crue des cours d’eau, le ruissellement de l’eau, la remontée de nappe et la submersion marine résultant des épisodes méditerranéens et des tempêtes littorales qui sont à l’origine des inondations dans les régions méditerranéennes.

Une étude des épisodes méditerranéens en Languedoc-Roussillon sur les 50 dernières années révèle une augmentation de 30 % de leur intensité alors que leur fréquence a peu varié, à l’exception notable de l’année 2014 où 3 épisodes méditerranéens très intenses ont frappé le département de l’Hérault (16 au 19 septembre, Nord de l’Hérault; 29 septembre, Sud-Est de l’Hérault avec des précipitations maximales au Sud de Montpellier; 6 octobre, Est de l’Hérault avec des précipitations maximales dans le secteur de Prades-le-Lez). Il est tombé sur quelques communes à chaque fois environ 300 mm d’eau en 3-4 heures, ce qui correspond à la moitié des précipitations annuelles moyennes (voir le site pluies-extrêmes de Météo France). Ces épisodes méditerranéens très intenses, de faible durée et très localisés sont le résultat du changement climatique en cours.

2. Les inondations dans l’Hérault durant l’automne 2014

Dans la nuit du 17 septembre, la crue du Bitoulet, la rivière traversant la commune de Lamalou-les-bains et le ruissellement des eaux de pluie ont provoqué la mort de 4 personnes qui dormaient dans le camping municipal.

Lamalou Lamalou camping
Lamalou-les-bains

Le 29 septembre, la crue des cours d’eau (notamment le Lez et la Mosson) et le ruissellement des eaux de pluie ont provoqué d’importants dégâts matériels à Montpellier et sur quelques communes du sud de l’agglomération. Les transports routier et ferroviaire ont dû être interrompus et il y a eu environ 3 millions d’euros de dégâts dans les réseaux (distribution d’eau potable, collecte des eaux usées et des eaux pluviales, électricité et télécommunication).

Antigone Antigone
Montpellier: Rives du Lez à Antigone et Avenue d’Assas aux Arceaux

Route de Carnon Lattes
Lattes

Les 6 et 7 octobre, la crue des cours d’eau et le ruissellement des eaux de pluie ont à nouveau provoqué d’importants dégâts matériels sur quelques communes de l’agglomération. Les 6500 habitants de la commune de Grabels ont été particulièrement touchés. Il y a eu à Grabels un million d’euros de dégâts de la voirie, 574 foyers sinistrées, 223 véhicules détruits, 31 personnes évacuées par hélicoptère. A Fabrègues, une vingtaine de personnes ont dû être évacuées dont 12 par hélicoptère.

Grabels Grabels
Grabels

D185 D185
Villeneuve-lès-Maguelone: débordement de la Mosson

L’intensité de l’aléa climatique ne peut pas seule expliquer les dégâts matériels et les morts causés par une inondation. L’analyse révèle toujours l’insuffisance ou l’inadaptation des mécanismes de protection et prévention des inondations mis en œuvre sur le territoire ainsi que la défaillance des pouvoirs publics en termes d’alerte, d’information du public et de gestion de crise. Nous en avons la démonstration avec les 3 inondations éclairs décrites ci-dessus.

Le camping de Lamalou était sur une zone inondable non identifiée comme telle par un PPRI (Plan de Prévention du Risque d’Inondation). Les services municipaux n’ont pas averti les occupants du camping des risques encourus. La crue du Bitoulet a formé un embâcle constitué de matériaux divers (branches…) qui, lorsqu’il a cédé, a déversé d’un seul coup une grande masse d’eau sur le camping. Cet embâcle ne se serait pas créé si les riverains et la municipalité avaient nettoyé les berges du Bitoulet comme ils en avaient l’obligation.

Les aménagements dans Montpellier des rives du Lez ont été moins efficaces que prévu: le 29 septembre, les bassins de rétention ont débordé au bout de 3 minutes. Le bassin de rétention de la station d’épuration Maera n’a pas empêché cette dernière de devoir pratiquer un bypass (rejet des eaux usées non traitées dans le Lez). Le 6 octobre, la Mosson a débordé, coupé la route départementale 185 et inondé Villeneuve-lès-Maguelone malgré les digues. Lattes a été inondé une fois de plus malgré les digues et le bras déversoir du Lez.

Les alertes par la société Predict, filiale de BRL et Météo France, ont été parfois tardives voire erronées (au lieu d’une alerte rouge pour Grabels le 6 octobre, alerte orange pluie et alerte jaune crue; fausse alerte rouge pour les communes de l’agglomération à la mi-octobre), confirmant la difficulté de prévoir précisément dans l’espace et le temps les épisodes méditerranéens et les crues. La difficulté est d’autant plus grande lorsque l’hydrologie des bassins versants concernés est mal connue.

La gestion de crise par la préfecture, en particulier la communication en direction des communes, des automobilistes, des parents d’élèves et des responsables des établissements scolaires et universitaires, a été calamiteuse.

3. La gestion du risque d’inondation en France

La politique publique de gestion du risque d’inondation a été longtemps axée sur d’une part, la construction d’infrastructures de protection (digues, barrages…) et d’autre part, l’indemnisation des victimes de catastrophes naturelles (loi du 13 juillet 1982).

C’est à l’État qu’incombait la protection contre les inondations et l’indemnisation des victimes. La conception et la réalisation des infrastructures de protection étaient confiées au corps des ingénieurs des Ponts et Chaussées.

Lors des crues du Rhône en 1856, Napoléon III se rend à Arles pour annoncer des investissements publics de protection et il déclare: « tout me fait espérer que la science parviendra à dompter la nature. Je tiens à ce qu’en France les fleuves, comme la révolution, rentrent dans leur lit, et qu’ils n’en puissent plus sortir ». Cette vision où l’homme est face à une nature hostile qu’il doit dompter par la science a servi de fil directeur à la politique publique de gestion du risque d’inondation jusqu’à aujourd’hui. Il s’en est suivi une artificialisation de la plupart des cours d’eau (endiguement, chenalisation…) dont l’exemple le plus frappant est le Rhône (artificialisé sur près de 80% de son parcours).

Les services de l’État (ministère de l’environnement) élaborent les PPRI (Plan de Prévention du Risque d’Inondation) et les AZI (Atlas de Zone Inondable) qui identifient et cartographient les zones inondables respectivement par une approche hydraulique et hydrogéomorphologique. Ils élaborent aussi avec les collectivités locales et territoriales les PAPI (Plan d’Action de Prévention des Inondations) et les PSR (Plan de Submersion Rapide) qui proposent des actions comme la construction de digues.

La loi du 13 juillet 1983 instaure la garantie “catastrophe naturelle”. Les communes demandent au ministère de l’intérieur que l’inondation qu’elles ont subie soit déclarée catastrophe naturelle. Ce n’est qu’après la parution du décret inter-ministériel déclarant l’état de catastrophe naturelle que la commune et ses habitants peuvent solliciter leur assureur pour être indemnisés des dégâts causés par l’inondation. La plupart des contrats multirisques habitation sont réassurés auprès de la CCR (Caisse Centrale de Réassurance), société anonyme appartenant à l’Etat. Par conséquent, tout ou partie des sommes versées par les assureurs proviennent de la CCR. La CCR peut aussi financer des mesures de prévention des inondations (acquisition amiable de biens exposés à un risque naturel mettant en danger des vies humaines, protection des lieux habités etc.) via le FPRNM (Fonds de Prévention des Risques Naturels Majeurs, appelé aussi Fonds Barnier) et indemniser les collectivités locales pour les dégâts non pris en charge par les assureurs privés.

A partir des années 1990, ce modèle est remis en cause. L’endiguement intensif qui a été mené jusqu’à présent est critiqué. En effet, les digues se révèlent parfois dangereuses pour les biens et les vies humaines car elles augmentent la hauteur et le débit des crues. Du point de vue écologique, les digues empêchent la recharge des nappes, l’alluvionnement et l’accomplissement de certains cycles biologiques. Les experts mettent aussi en évidence l’intérêt de maintenir des plaines inondables et des zones humides dans le bassin versant.

Partant du principe qu’il n’est ni possible ni souhaitable d’empêcher à tout prix toutes les inondations, un nouveau modèle voit alors le jour aux USA et en Hollande. Il repose sur d’une part, une analyse coût-bénéfice des mesures de protection et prévention du risque d’inondation et d’autre part, une évaluation des impacts environnementaux de ces mesures. Il met l’accent sur l’acquisition d’une culture du risque d’inondation parmi les habitants et sur la résilience, c’est à dire la capacité d’un territoire à se réorganiser rapidement à la suite d’une inondation. C’est cette vision à la fois néo-libérale et environnementale qui prévaut lors de l’adoption par l’UE de la Directive Inondation en octobre 2007.

La transposition de la Directive Inondation dans la législation française a été laborieuse. En 2010, la Commission Européenne a assigné la France devant la Cour de Justice Européenne pour défaut de transposition de cette Directive. Finalement, la Directive Inondation a été transposée par un décret dans la loi Grenelle II en mars 2011.

La Directive Inondation impose une gestion du risque d’inondation par district hydrographique. Dans un premier temps, des TRI (Territoires à Risques d’Inondation) sont identifiés et cartographiés dans chaque district hydrographique; dans notre cas, il s’agit du district hydrographique Rhône-Méditerranée. Puis un PGRI (Plan de Gestion du Risque d’Inondation) est élaboré pour chaque district hydrographique par l’ensemble des acteurs concernés et pas seulement les services de l’Etat. Le PGRI est l’équivalent pour le risque d’inondation de ce qu’est le SDAGE (Schéma Directeur d’Aménagement et de Gestion des Eaux) pour la gestion de l’eau et des milieux aquatiques. Le PGRI doit être cohérent avec le SDAGE. Des SLGRI (Stratégies Locales de Gestion des Risques d’Inondation) sont aussi élaborées à l’échelle des TRI. Les SLGRI sont l’équivalent des SAGE (Schéma d’Aménagement de la Gestion des Eaux). Les SLGRI doivent être cohérentes avec les SAGE, ce qui est délicat à obtenir car un TRI ne recoupe pas toujours parfaitement le bassin ou sous-bassin d’un SAGE. Le 1er PGRI (pour 2016-2021) est consultable par le public sur le site de l’agence de l’eau Rhône-Méditerranée-Corse jusqu’au 18 juin avant d’être soumis à la Commission Européenne.

TRI
TRI de Montpellier

La Directive Inondation introduit de nouvelles cartes pour chaque TRI en complément de celles des PPRI. Ces cartes aident à mieux caractériser la vulnérabilité du TRI en termes de population, activité économique et réseau de transport impactés. Le PPRI reste le seul document opposable à tout projet d’urbanisme à l’échelle communale ou inter-communale. Il doit être pris en compte par les collectivités locales lorsqu’elles élaborent leur Plan Local d’Urbanisme (PLU) et leur Schéma de Cohérence Territorial (SCOT).

La France est en train de passer d’une gestion centralisée par les services de l’État à une gestion décentralisée multi-acteurs comme le demande l’UE. Il n’est pas certain que la gestion décentralisée multi-acteurs à la française se traduise par une plus grande efficacité à gérer le risque d’inondation. Il y a même de fortes présomptions du contraire.

La loi MAPTAM (Modernisation de l’Action Publique Territoriale et d’Affirmation des Métropoles) adoptée en février 2014 transfère la compétence GEMAPI (Gestion de l’Eau, des Milieux Aquatiques et de la Prévention des Inondations) de l’Etat aux collectivités locales, à travers des EPAGE (Etablissement Public d’Aménagement et de Gestion des Eaux) ou à défaut des EPTB (Etablissement Public Territorial de Bassin) ou syndicats de bassin. Ce sera bientôt aux collectivités locales et non plus à l’Etat de financer la totalité des actions proposées par les PAPI. Elles pourront le faire en créant un nouvel impôt local (Aquataxe) si elles le souhaitent.

La compétence exclusive et obligatoire de la GEMAPI attribuée aux collectivités locales ne pose pas que le problème du financement. La compétence GEMAPI est aussi une source potentielle de conflits d’intérêts puisque les élus des collectivités locales auront pouvoir de décision à la fois sur la gestion du risque d’inondation et sur l’urbanisation (voir paragraphe suivant qui illustre ces conflits d’intérêts dans le cas de l’Hérault).

4. Quelles leçons tirer des inondations dans l’Hérault durant l’automne 2014 ?

Le Plan Communal de Sauvegarde (PCS) et la Réserve Communale de Sécurité Civile (RCSC) lorsqu’ils existaient ont permis d’éviter des drames. Ils doivent être mis en place dans toutes les communes et améliorés par celles qui en sont déjà dotées.

Le coût des dégâts occasionnés par les 3 inondations de l’automne 2014 a été estimé à plusieurs centaines de millions d’euros (150 millions d’euros de dégâts pour la seule agglomération de Montpellier suite à l’inondation du 29 septembre 2014). Les arrêtés de catastrophe naturelle ont permis l’indemnisation des particuliers et des collectivités locales par les assureurs privés, conformément à la loi du 13 juillet 1982. En sera-t-il de même dans le futur? Les dégâts matériels sont en constante augmentation car les inondations affectent des zones de plus en plus urbanisées et à forte densité de population. Il faudra donc à plus ou moins brève échéance, soit augmenter la cotisation des assurances multi-risques habitation, soit limiter les arrêtés de catastrophe naturelle, puisque les responsables des collectivités locales n’envisagent pas de mettre un terme à l’urbanisation effrénée dans le département.

Cette urbanisation effrénée tient lieu de politique économique en Languedoc-Roussillon. Elle soutient les 2 principaux secteurs économiques du département de l’Hérault, le BTP et le tourisme; elle renfloue les caisses des collectivités locales par la taxe d’habitation et la taxe foncière. Mais elle entraîne aussi la disparition de terres agricoles et d’espaces naturels qui sont souvent des zones humides ou d’expansion de crues. La gestion du risque d’inondation est dès lors totalement subordonnée à la politique d’urbanisation. Le régime d’indemnisation des catastrophes naturelles devient le moyen de faire payer par l’ensemble des assurés les erreurs d’aménagement urbain des collectivités locales. Des infrastructures de protection des inondations (digues, bassins de rétention…) sont mises en place pour réduire le risque d’inondation de zones qui n’auraient jamais dû être urbanisées. Le maintien de plaines inondables et la restauration de zones humides dont le coût est 15 à 20 fois moins élevé que celui des infrastructures de protection pour une efficacité égale sont rarement envisagés car contraires aux intérêts des promoteurs immobiliers et des responsables des collectivités locales.

Les inondations de l’automne 2014 n’entraîneront malheureusement pas de réorientations de la gestion du risque d’inondation et de la politique d’aménagement urbain.

La révision du SAGE Lez-Mosson est une régression sur la question des inondations, par rapport à sa version précédente. Ce n’est pas une surprise car nous retrouvons dans la Commission Locale de l’Eau Lez-Mosson et dans le Syndicat du Bassin du Lez (Syble) les mêmes élus locaux adeptes du béton.

Il est prévu de renforcer l’endiguement de la Mosson et de construire davantage de bassins de rétention mais rien pour maintenir des plaines inondables et restaurer des zones humides.

Trois projets d’urbanisation vont aggraver le risque d’inondation dans le périmètre de la métropole de Montpellier: la nouvelle gare TGV entourée du quartier Oz1, le lotissement multi-activités Oxylane et la ZAC Caylus.

La nouvelle gare TGV et le quartier d’affaires Oz1 vont occuper 60 ha de la commune de Montpellier dont 30 ha seront imperméabilisés. Ces 60 ha ont été inondés à l’automne 2014 suite au débordement du Negue-Cats et au peu d’infiltration de l’eau dans un sol dépourvu de couverture végétale. Ce n’est pas une surprise: le terrain est en zone rouge du Plan de Prévention du Risque d’Inondation (voir cartes ci-dessous). Le Syndicat Mixte du Bassin de l’Or (Symbo) a donné un avis favorable au projet à condition que soient construits des bassins de rétention et qu’il y ait une compensation zone humide pour les 30 ha imperméabilisés. Or, la construction de bassins de rétention ne peut garantir une protection efficace contre de très fortes inondations comme celles de l’automne 2014. Quant à la compensation zone humide, elle n’est jamais un moyen de protéger l’environnement mais au contraire un moyen pour les promoteurs immobiliers et autres de passer outre les études d’impact environnemental. Le commissaire-enquêteur, connu pour être systématiquement partisan des projets immobiliers de la métropole de Montpellier, a également donné un avis favorable à l’enquête publique “Loi sur l’eau” pour le quartier Oz1 malgré les réponses négatives émanant de plusieurs associations (Eau Secours 34, Mosson Coulée verte, FNE-LR…).

Gare OZ1
Future gare TGV et quartier Oz1 en zone rouge du PPRI

Le lotissement multi-activités Oxylane va occuper 24 ha de la commune de Saint Clément-de-Rivière dont 12 ha seront imperméabilisés. Il s’agit en fait d’une nouvelle zone commerciale, qui comprendra plusieurs “grandes” enseignes (Décathlon, Truffaut, O’Tera) et d’autres activités commerciales de moindre surface. Lors de l’enquête publique “Loi sur l’eau” en février-mars 2015, plusieurs problèmes importants ont été mis en évidence par les nombreux contributeurs, dont les communes limitrophes de Grabels et Montferrier-sur-Lez. Ils concernent les risques d’inondation, mais aussi les risques de pollution des eaux souterraines, l’insuffisance de l’alimentation en eau potable, l’évacuation des eaux usées. Du point de vue hydraulique, ce projet est bien mal situé, en tête du bassin-versant de la Lironde dont la crue du 6 octobre 2014 a été spectaculaire et très destructrice. Les bassins de rétention prévus au projet auraient été bien incapables de stocker le ruissellement généré par ces pluies (262 mm de précipitations en 4h, dont 95 mm en 1h, source météo France). Une zone inondable marquée au PPRI s’étale de part et d’autre d’un ruisseau traversant toute la zone du projet, et plusieurs des bassins de rétention sont prévus en bordure même de celle-ci. La rupture d’un de ces bassins pouvant intervenir en cas d’épisode pluvieux “exceptionnel” (comme celui d’octobre 2014) aggraverait l’inondation de la Lironde, en aval, au niveau de Montferrier-sur-Lez. La route départementale RD127E3, qui longe le terrain, risque ainsi d’être submergée encore plus gravement que par le passé; des habitants ont témoigné de plusieurs épisodes méditerranéens, au cours desquels des personnes circulant sur la route ont été entraînés et sauvés de justesse par d’autres usagers de la route. Malgré cela, le Commissaire Enquêteur a délivré un avis favorable – sans réserve !

Lironde
Dégâts causés par la crue de la Lironde à Montferrier – 7 octobre 2014

La ZAC Caylus et ses 650 logements vont occuper 25 ha de la commune de Castelnau-le-Lez dont 19 ha seront imperméabilisés. Les fouilles archéologiques préventives ont permis de découvrir une source gauloise datant du 2ème siècle avant J.C. (voir photo ci-dessous), des puits très anciens ainsi qu’une nappe phréatique haute couvrant l’essentiel des 25 ha. Cette nappe phréatique est un aquifère marno-calcaire karstifié dont la relation avec les eaux souterraines des communes environnantes est actuellement inconnue. L’existence de cette nappe devrait, à elle seule, remettre en cause ce projet d’urbanisation. Construire des logements sur une zone humide où l’eau est à 1 mètre de profondeur fait peser un risque réel sur les futurs habitants (inondation, effondrement de terrain). De plus, l’imperméabilisation des 19 ha va entraîner un problème de recharge de la nappe en période de pluie et sa pollution. Malgré cela, le projet suit son cours, conforté par une étude d’impact environnemental et une enquête publique “Loi sur l’eau” bâclées.

Caylus OZ1
Caylus et sa source gauloise

Réponse à l’enquête publique “Loi sur l’eau” pour la ZAC Oz1

Montpellier, le 18 avril 2015

Eau Secours 34
190 rue de la Combe Caude
34090 Montpellier

A

Monsieur Frédéric SZCZOT – Commissaire enquêteur
ZAC Oz1 — Dossier Autorisation Loi sur l’Eau
Montpellier Méditerranée Métropole
50 place Zeus
CS 39556
34340 Montpellier

Deux épisodes méditerranéens très intenses ont frappé les communes de la métropole montpelliéraine durant l’automne 2014. La crue des cours d’eau et le ruissellement de l’eau sur des sols fortement imperméabilisés par l’urbanisation ont provoqué des dégâts matériels considérables. Le terrain devant servir à la construction du quartier Oz1 a été inondé suite au débordement du Negue-Cats et au peu d’infiltration de l’eau dans un sol dépourvu de couverture végétale. Ce n’est pas une surprise: ce terrain de 60 ha est inclus dans une zone rouge du Plan de Prévention du Risque d’Inondation.

Construire une gare TGV et un quartier dans une zone inondable serait une erreur lourde de conséquences. Imperméabiliser 30 ha sur 60 dans une zone d’expansion de crues en serait une autre. Les arguments du maître d’ouvrage Montpellier Méditerranée Métropole en faveur du projet relayés par ceux du Syndicat Mixte du Bassin de l’Or (Symbo) font bien peu cas du risque encouru par les personnes et les biens lors de fortes inondations comme celles que nous venons de vivre. La construction de bassins de rétention que propose le Symbo ne peut garantir une protection efficace contre de très fortes inondations, et cela dans un contexte où le changement climatique a déjà entraîné une augmentation de 30 % de l’intensité des épisodes méditerranéens en 50 ans. Quant à la compensation des 30 ha de sol imperméabilisé, il suffit de dire que le mécanisme de compensation n’est jamais un moyen de protéger l’environnement mais au contraire un moyen pour les promoteurs immobiliers et autres de passer outre les études d’impact environnemental. Notons également que la Caisse des Dépôts et Consignations, impliquée financièrement dans la construction de la gare TGV de la Mogère et le projet Ecocité – Montpellier à la mer, gère aussi un fonds d’investissement pour la compensation à travers sa filiale CDC Biodiversité; cela relève, nous semble-t-il, du conflit d’intérêts.

Modes de gestion des services publics de l’eau et de l’assainissement

Présentation le 1er avril 2015 à Nîmes

Il y a une approximation dans la vidéo ci-dessous. Elle concerne la reprise du personnel du délégataire privé par la régie publique. Il n’y a pas obligation pour la régie publique de reprendre le personnel de l’ex-délégataire privé lorsque celui-ci est une entreprise qui mutualise le personnel sur plusieurs DSP comme c’est le plus souvent le cas avec Veolia, Suez et Saur. Il y aura reprise du personnel de Veolia dans la régie publique de Montpellier mais c’est le résultat d’un accord entre Veolia, les syndicats de Veolia et la régie publique et non pas le résultat d’une obligation légale.

 

_________________________________________________________

Déclaration à Bruxelles de l’European Water Movement

Bruxelles, 23 mars 2015.

Des mouvements et organisations pour l’eau du Portugal, d’Espagne, d’Italie, de Grèce etc. ainsi que des organisations européennes se sont réunis à Bruxelles pour exiger la reconnaissance des droits humains à l’eau en Europe. Ils appellent toutes les autres organisations pour l’eau en Europe à se joindre à cette déclaration de solidarité avec la société civile coréenne qui va organiser un forum alternatif de l’eau en avril.

L’European Water Movement continue sa lutte pour obtenir que l’eau et l’assainissement soit un droit humain en Europe. Les presque 2 millions de signatures de la première Initiative Citoyenne Européenne montrent combien le mouvement européen pour l’eau a cru en force et en taille. Après le référendum italien, le retrait de l’eau de la liste des privatisations en Grèce et le mouvement de masse contre la privatisation de l’eau en Irlande de ces derniers temps, nous cherchons à renforcer encore davantage ce réseau des mouvements pour l’eau partout en Europe.

L’European Water Movement est partie prenante d’une lutte mondiale plus large contre la marchandisation et la privatisation de l’eau poussées par les gouvernements, certaines collectivités locales et les multinationales.

Depuis 2003, au Japon, des voix se sont élevées contre la politique de l’eau et les modèles sociaux défendus par le Forum Mondial de l’Eau. Des forums alternatifs de l’eau ont été organisés depuis lors à Mexico en 2006, Istanbul en 2009 et Marseille en 2012. Les mouvements pour l’eau du monde entier y ont démontré que des alternatives existent et qu’elles peuvent être mises en œuvre.

Le 7ème Forum Mondial de l’Eau aura lieu à Daegu en Corée pendant une semaine à partir du 12 avril. On y présentera à nouveau une certaine idée de l’eau, un modèle qui ne garantit pas le droit humain à l’eau, qui est tout sauf participatif et qui considère les citoyens comme des consommateurs et non des acteurs.

L’European Water Movement se félicite de la décision d’organiser un forum alternatif de l’eau durant le Forum Mondial de l’Eau en continuité avec les efforts qui ont été faits depuis 2003. Nous voulons exprimer notre solidarité et apporter notre soutien aux militants et syndicats coréens qui vont donner la parole aux mouvements sociaux, aux citoyens et organisations syndicales pour que l’eau soit reconnue comme un bien commun, pour que l’accès à l’eau soit un droit humain, pour que la fourniture d’eau et la gestion du cycle intégré de l’eau soient publiques, démocratiques et participatives à un niveau communautaire, pour lutter contre la marchandisation et la privatisation de ce qui est fondamental pour la vie et la planète.

European Water Movement

Déclaration en en, fr, es, i, de, gr

Signataires de la déclaration

Nous voulons le droit humain à l’eau et nous le voulons maintenant!

Appel à une grande mobilisation européenne pour l’eau du 22 au 24 Mars 2015

L’European Water Movement revendique depuis des années que l’accès à l’eau et à l’assainissement soit un droit humain, comme l’a affirmé l’ONU en 2010. Le mouvement a fait partie intégrale de la coalition de la société civile qui a réussi à obtenir un soutien suffisant et à attirer l’attention pour que la voix de près de deux millions de personnes soit entendue au niveau de l’Union européenne. Il s’est écoulé une année depuis la soit disante réponse ‘positive’ de la Commission Européenne à la première Initiative Citoyenne Européenne (ICE) et nous attendons toujours une action concrète.

La Commission européenne a ignoré les demandes des citoyens européens, et continue la marchandisation de l’eau et son programme de privatisation. Tout cela se passe avec la complicité des grandes privées entreprises de l’eau, comme l’illustre la 4e Conférence européenne sur l’eau organisée les 23 et 24 Mars à Bruxelles, où ni les citoyens ni les promoteurs de l’ICE ne sont invités. La crise a clairement démontré que les actions de la Commission Européenne, par le biais de la Troïka imposant des mesures d’austérité, est en conflit avec les citoyens européens mobilisés pour défendre l’eau comme un bien commun dont l’accès doit être garanti comme un droit humain à travers un processus participatif et une gestion publique.

Le Mouvement Européen Eau se mobilisera les 23 et 24 Mars à Bruxelles, avec des gens de toute l’Europe. Pour rappeler à la Commission européenne qu’elle doit oeuvrer pour les citoyens, et non pas pour les entreprises privées. Et engager un dialogue avec des députés européens qui préparent une résolution pour la défense du droit humain à l’eau et les biens communs.

Nous demandons à l’Union européenne et aux États membres de faire de l’accès à l’eau et à l’assainissement un droit humain, de cesser de promouvoir la privatisation et la libéralisation des services d’eau et d’assainissement, et de les exclure sans ambiguïté de tout accord de libre échange (TTIP, CETA, TISA et autres).

Organiser des réunions ou débats, et faire des propositions n’est pas suffisant pour inverser les rapports de force qui empêchent actuellement de traiter l’eau comme un bien commun. Nous devons nous battre et nous mobiliser comme nos camarades grecs et irlandais l’ont fait dans leur lutte récente contre la privatisation et la marchandisation de l’eau.

Nous lançons donc un appel à tous les groupes, les ONG et les mouvements à s’impliquer dans la mobilisation du 22 au 24 Mars dans leurs communautés et à venir à Bruxelles, pour faire entendre nos revendications dans les rues. Et nous appelons également à se mobiliser par des événements et des actions pour le droit humain à l’eau dans toute l’Europe dans la semaine précédant le 23 Mars.

L’accès à l’eau est un droit humain, l’eau n’est pas une marchandise!

European Water Movement

Le devenir du projet Aqua Domitia

A ce jour, ni l’UE, ni l’Etat, ni l’Agence de l’Eau Rhône-Méditerranée ne participent au financement de la construction des maillons contrairement au souhait émis par le Conseil Régional.

Le 25 avril 2012, le président du Conseil Régional annonçait avoir obtenu le feu vert de la commission européenne à l’utilisation de 6 millions d’euros de fonds Feader pour des réseaux d’irrigation de la vigne à partir des maillons.

Ce montant est à comparer au coût estimé à 120 millions d’euros pour le déploiement des tuyaux et des bornes d’irrigation à partir des différents maillons et aux 32,4 millions d’euros versés en 2012 dans le cadre de la PAC pour assurer la reconversion des vignobles du LR, dont la qualité est jugée insuffisante (en clair les subventions à l’arrachage des vignes).

Depuis, la grande machine clientéliste du Conseil Régional est en marche à travers des réunions avec les viticulteurs susceptibles de bénéficier des aides européennes.

Le site web du réseau hydraulique régional décrit l‘état d’avancement des travaux d’Aqua Domitia.

Le Conseil scientifique du Comité de bassin Rhône-Méditerranée a émis en juin 2014 un avis très critique sur la récupération des coûts du projet Aqua Domitia

La Commission Européenne oublie le Droit Humain à l’Eau

Bruxelles – 12 février 2015

La Commission Européenne a publié les résultats statistiques de la consultation publique sur la Directive relative à l’eau potable, leur réaction phare à la première Initiative Citoyenne Européenne (ICE) sur le droit humain à l’eau et à l’assainissement. Selon Food & Water Europe, la révision de cette Directive, seule initiative majeure concernant l’eau contenue dans le plan de travail de la Commission pour 2015, ne répond pas aux demandes des citoyens qui soutiennent le droit humain à l’eau.

David Sánchez, responsable des campagnes à Food & Water Europe, a déclaré “Malgré sa propagande, la réponse de la Commission Européenne à la première ICE jamais réussie n’est qu’une compilation d’actions déjà en cours. Et la consultation publique pour la Directive relative à l’eau potable ne répond à absolument aucune des demandes des 1,8 millions de citoyens européens qui ont soutenu l’initiative. Pire encore, c’est la seule action majeure concernant l’eau dans leur agenda pour 2015”.

Les réclamations de l’ ICE sur le Droit à l’Eau contenaient la mise en oeuvre du droit humain à l’eau et à l’assainissement tel qu’il avait été approuvé par l’ONU en 2010; l’exclusion des services d’eau de la libéralisation; l’augmentation des efforts de l’UE pour réaliser l’accès universel à l’eau et à l’assainissement. La Commission n’a répondu véritablement qu’au besoin de réaliser l’accès universel à l’eau et à l’assainissement.

Sánchez a ajouté “Avec son attitude, la Commission Européenne est en train de faire de son mieux pour décevoir les attentes d’un grand nombre de citoyens qui se sont mobilisés en utilisant ce nouvel outil, l’ICE, censé rendre l’Union Européenne plus participative et plus abordable pour les populations. Si la Commission continue sur cette voie, cela va seulement creuser le fossé entre les politiciens basés à Bruxelles et les citoyens européens.”

La Commission Européenne est encore en train d’analyser les réponses aux questions ouvertes dans la consultation, le seul espace possible pour rappeler à la Commission les véritables demandes de l’ICE. Le Parlement Européen est aussi en train de travailler actuellement à un rapport sur cette initiative, qui devrait être soumis à un vote dans les mois qui viennent.

Contact :

David Sánchez, responsable des campagnes à Food & Water Europe
+32 (0) 2893 1045 (fixe), +32 (0) 485 842 604 (mobile)
dsanchez(at)fweurope.org