Conférence de presse sur le projet d’aménagement Acconiers Sud

Eau Secours 34 et les initiateurs de la pétition Stopper la bétonisation des bords du Lez ont tenu une conférence de presse sur les problème posés par le projet d’aménagement du secteur Acconiers Sud à Montpellier, le vendredi 7 décembre à 14h30 au Gazette Café.

Les intervenants ont expliqué que s’il se réalise, ce projet qui sous-estime le risque d’inondation, détruira une des rares coulées vertes de la ville et dégradera la qualité de vie des habitants du quartier.

La vidéo ci-dessous présente plusieurs extraits de cette conférence de presse.

 

Dossier de presse

Pourquoi la ville de Montpellier doit abandonner le projet immobilier Acconiers Sud

La ville de Montpellier a décidé d’aménager un secteur dit « Acconiers Sud » sur la rive ouest du Lez. Ce secteur de 1,2 ha est délimité en amont par le pont Albert Lévy et en aval par des jardins partagés.

 

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La ville de Montpellier, maître d’ouvrage, a mandaté la société d’aménagement de Montpellier Méditerranée Métropole (SA3M) pour mener un ensemble d’études préalables à l’aménagement. La SA3M a fait appel à des bureaux d’études spécialisés en hydraulique, voirie, environnement et à une équipe d’urbanistes pour réaliser ces études préalables.

En fait, ce projet d’aménagement est avant tout un projet immobilier puisqu’il s’agit pour la ville de Montpellier de « rentabiliser » son foncier en construisant 135 à 150 logements sur 9900 m². Or, la construction de logements sur ce secteur est une très mauvaise idée pour plusieurs raisons décrites ci-dessous. De plus, elle va à l’encontre des préconisations du nouveau schéma de cohérence territorial (SCOT) et du schéma directeur d’aménagement et de gestion de l’eau (SDAGE).

La destruction d’une des rares coulées vertes de la ville de Montpellier

Le secteur « Acconiers Sud » est fortement végétalisé et constitue une des rares coulées vertes de la ville de Montpellier.

 

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La rue des Acconiers qui longe l’étroite berge du Lez est actuellement un chemin de promenade bordé d’arbres. Le projet envisage une chaussée à deux voies en lieu et place de ce chemin non bitumé et interdit à la circulation. La chaussée bifurquerait à droite devant les jardins partagés pour rejoindre l’impasse Galilée puis la rue Edmond Haley et l’avenue du pont Trinquat. Le chemin n’étant pas suffisamment large pour la deux voies, il faudra arracher certaines arbres et peut-être même empiéter sur la zone végétalisée qui couvre une partie d’un terrain appartenant à la ville.

Comme le montre la carte d’occupation des sols ci-dessous, la construction d’un ou plusieurs immeubles ne peut se faire ni sur les deux terrains privés sur lesquels se trouvent des maisons individuelles, ni sur le petit terrain appartenant à la ville et partiellement occupé par un parking « sauvage ». Sauf vente à la ville des terrains privés, celle-ci devra se rabattre sur les terrains lui appartenant et sur le terrain abandonné occupé par un squat, détruisant ainsi l’essentiel de leur important couvert végétal.

 

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Le secteur « Acconiers Sud » forme une coulée verte, à la fois réservoir de biodiversité et corridor écologique le reliant aux autres réservoirs de biodiversité de la ville de Montpellier. La construction de la chaussée à 2 voies et des immeubles sur ce secteur mettra en péril son double rôle de réservoir de biodiversité et de corridor écologique.

La sous-estimation du risque d’inondation

 

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Pratiquement la moitié du secteur « Acconiers Sud » est en zone rouge, c’est à dire en zone inondable interdite à la construction, comme le montre ci-dessus la carte de zonage du plan de prévention du risque d’inondation (PPRI). De plus, le plan local d’urbanisme (PLU) impose des contraintes à la construction dans le reste du secteur (maintien du caractère individuel des habitations, extension limitée des bâtiments existants…). Autant dire que PPRI et PLU bloquent actuellement toute velléité de construction d’une chaussée à deux voies et d’immeubles.

Qu’à cela ne tienne, le PPRI et le PLU vont être modifiés pour permettre la réalisation du projet immobilier, un tour de passe-passe dont la ville de Montpellier et sa métropole sont coutumières. L’interdiction de construire dans la zone inondable sera transformée en autorisation dès lors que certaines prescriptions sont respectées, par exemple la surélévation mettant hors d’eau les logements.

Les bureaux d’études consultés par la SA3M proposeront probablement de construire les immeubles sur pilotis, le rez-de-chaussée étant occupé par des parkings. Le revêtement de la chaussée pourrait être drainant et donc permettre une infiltration partiellement de l’eau de pluie. Mais même avec ces aménagements hydrauliques, le projet n’est pas transparent par rapport au risque d’inondation du lotissement pavillonnaire et en aval du secteur.

Du fait des aménagements urbains, le Lez ne dispose pas actuellement d’un espace de bon fonctionnement et d’un champ d’expansion de crue suffisants dans sa traversée de Montpellier. Le projet « Acconiers Sud » va aggraver la situation, alors que le SDAGE demande au contraire que l’urbanisation préserve voire restaure les espaces de bon fonctionnement et les champs d’expansion de crue des cours d’eau.

Le secteur est inondable non seulement par débordement du Lez mais aussi par ruissellement et remontée de nappe. L’imperméabilisation du sol résultant de la construction des immeubles et de la chaussée à 2 voies va augmenter le phénomène de ruissellement. Les voitures dans les parkings au rez-de-chaussée des immeubles peuvent se transformer en embâcles empêchant un bon écoulement de l’eau. Aménager en permettant un bon écoulement de l’eau n’est pas une solution satisfaisante puisque le problème est juste renvoyé en aval. Quoiqu’il en soit, le projet « Acconiers » va à l’encontre des préconisations du SDAGE concernant le ruissellement : limiter l’imperméabilisation des sols et l’extension des surfaces imperméabilisées ; favoriser ou restaurer l’infiltration des eaux ; préserver les éléments du paysage déterminants dans la maîtrise des écoulements, notamment au travers du maintien d’une couverture végétale suffisante et des zones tampons.

La nappe est affleurante sur le secteur. Son niveau de remplissage varie en fonction du débit du Lez, de l’intensité des pluies et de la sécheresse. L’instabilité du sous-sol qui en découle provoque des fissures dans les habitations existantes (voir photo ci-dessus). Est-il raisonnable dans ces conditions de vouloir construire des immeubles de plusieurs étages ?

La dégradation de la qualité de vie des habitants du lotissement pavillonnaire

L’implantation d’immeubles de logements de 8 et 9 étages, déjà commencée depuis plusieurs années à proximité du lotissement pavillonnaire, a eu les conséquences suivantes :

— La circulation automobile a considérablement augmentée, notamment aux heures d’entrée et de sortie du travail. Les temps de parcours ont doublé ou triplé.

— Pour densifier au maximum l’habitat, non seulement les immeubles sont très hauts mais les places de stationnement (une par appartement) sont insuffisantes et rien n’est prévu en infrastructure publique de stationnement. Des voitures stationnent sur les trottoirs, sur les pistes cyclables, en double file ou à des emplacements gênants.

— La construction d’écoles ne suit pas l’implantation des nouveaux logements. Dans l’école Jean Macé (La Rauze) quatre classes sont installées dans des préfabriqués posés dans le parc de loisirs voisin. Dans l’école Malraux qui n’est construite que depuis 3 ans, il est déjà prévu deux classes dans des préfabriqués posés dans des terrains vagues voisins de l’école. Mais pas de nouvelle construction d’école dans le quartier dans les 3 prochaines années !

— Le fait que ces immeubles soient construits en zone inondable, amplifie les risques d’inondation du quartier. L’inondation destructrice de 2014, devant la mairie et rue Germaine Tillon, aurait du amener les pouvoirs publics à modifier le PPRI qui, bizarrement, ne mentionne pas de risque à ces endroits. Au lieu de cela, pour permettre la construction en cours d’un immeuble de 9 étages situé rue des Acconiers et dont les fondations et le parking souterrain plongent dans la nappe phréatique affleurante, a été construite une canalisation souterraine de surverse de cette nappe-réservoir naturel, dans le parc paysager de la mairie qui sert déjà de bassin réservoir en cas de crue du Lez. Quelle sera alors l’ampleur des inondations lors des prochains épisodes cévenoles ? Tout cela sans compter l’aggravation du risque d’inondation induite par le projet Acconiers sud.

— Les impasses desservant 102 logements pavillonnaires et calibrées pour cette fonction devront desservir aussi les 150 nouveaux logements et fournir les places de stationnement pour les voitures des nouveaux arrivants: Impossible sans une pagaille indescriptible et des conflits ingérables.

Que faut-il faire ?

En novembre 2014, Philippe Saurel, nouvellement élu maire de Montpellier, déclarait dans une conférence de presse sur l’urbanisme vouloir « réparer la ville et soigner le quotidien des Montpelliérains ». Cette déclaration porteuse d’espoir laissait supposer qu’il y aurait un changement de cap dans l’urbanisation de la ville, « abîmée » sous les maires précédents. 3 ans plus tard, force est de constater que le projet de feu Georges Frêche de bétonner Montpellier jusqu’à la mer s’est poursuivi et même accéléré comme si de rien n’était. Les pratiques des services administratifs de la ville et de sa métropole, ainsi que celles de la SERM et la SA3M, n’ont pas changées et les habitants sont informés des projets immobiliers le plus tard possible, lorsqu’il n’est plus possible de les remettre en question. Le projet « Acconiers Sud » illustre jusqu’à la caricature ces contradictions entre les paroles et les actes.

Des habitants du lotissement pavillonnaire qui seraient directement affectés par le projet « Acconiers Sud » l’ont découvert à la lecture d’un cahier des clauses techniques particulières (CCTP) auquel ils ont eu accès tout à fait par hasard. Le projet « Acconiers Sud » remet au goût du jour une étude de 2013 proposant de construire des immeubles sur le secteur. De fait, le projet contribuera, non seulement à « abîmer » la ville, mais aussi à « dégrader » le quotidien des montpelliérains, et pas seulement celui des habitants du lotissement pavillonnaire. Le projet doit être combattu par tous les moyens possibles. S’il y a un aménagement du secteur, celui-ci doit pérenniser la coulée verte et abandonner l’idée de construire une chaussée à deux voies et des immeubles.

En mars 2018, ces mêmes habitants du secteur « Acconiers Sud » lançaient une pétition intitulée « Stopper la bétonisation des bords du Lez à Montpellier ». A ce jour, la pétition a recueilli plus de 1700 signatures (papier et Internet) et elle se poursuit. Début juin 2018, les auteurs de la pétition demandaient à rencontrer Philippe Saurel pour lui remettre les signatures et lui faire part de leurs inquiétudes. Un mois plus tard, le directeur adjoint des services de la ville de Montpellier répondait au nom de Philippe Saurel par une lettre prenant acte des « arguments » tout en pointant « l’enjeu que représente la valorisation de ce site ».

Les auteurs de la pétition auxquels s’associe Eau Secours 34 continueront donc à alerter les montpelliérains sur le projet d’aménagement « Acconiers Sud » par tous les moyens possibles.

Le recul du trait de côte en Méditerranée

Résumé d’une présentation par Eau Secours 34 donnée lors de la journée de formation du réseau eau de FNE Languedoc Roussillon, le 24 novembre 2017.

Qu’est-ce que le trait de côte ?

Il y a eu pendant longtemps plusieurs définitions du trait de côte, ce qui posait problème pour quantifier son évolution dans le temps. Mais nous avons maintenant une seule définition au niveau européen, depuis l’adoption en 2008 de la directive cadre de la stratégie pour le milieu marin.

Comme le montre le schéma ci-dessous, le trait de côte est la limite entre la partie terrestre du littoral (y compris les lagunes) et la partie marine du littoral. Le trait de côte concerne donc à la fois la directive cadre sur l’eau (DCE) et la directive cadre de la stratégie pour le milieu marin (DSM), mais aussi quelques autres directives comme la directive habitat par exemple.

 

En France, la directive cadre de la stratégie pour le milieu marin a été transposée par un décret en 2012, complété en 2014 par une circulaire mettant en cohérence la directive cadre sur l’eau et la directive cadre de la stratégie pour le milieu marin. Il en résulte la production de plusieurs documents, la stratégie nationale pour la mer et le littoral, les plans d’action pour le milieu marin, les plans de prévention des risques littoraux.

Le trait de côte n’est pas fixé une fois pour toute; il évolue en fonction du temps. Plusieurs agents contribuent à son évolution, des agents naturels et des agents anthropiques.

Parmi les agents naturels, on trouve des agents marins comme la houle, la marée, les courants marins et la variation du niveau de la mer, et des agents géomorphologiques comme le type de côte rocheuse ou sableuse, la disponibilité et la composition des sédiments.

Parmi les agents anthropiques, on trouve des ouvrages de protection comme les épis transversaux, les digues et les enrochements longitudinaux, et des ouvrages affectant le transport des sédiments fluviaux comme les barrages.

Il en découle selon l’endroit un recul du trait de côte par érosion et montée du niveau de la mer, ou une avancée du trait de côte par engraissement sédimentaire.

L’érosion côtière en méditerranée

Les côtes européennes subissent toutes un phénomène d’érosion. Cette érosion est forte, voire très forte sur une grande partie de la côte méditerranéenne.

Le littoral méditerranéen français est constitué de 51 % de côtes rocheuses et 32 % de plages. Un recul du trait de côte est observé sur 11 % du linéaire côtier et 36 % des plages. Le Languedoc-Roussillon est particulièrement affecté par le recul du trait de côte; 22% est en recul pour 14% en région PACA.

Un indicateur national de l’érosion côtière a été réalisé par le CEREMA pour le ministère de l’environnement. Il décrit l’évolution du trait de côte de 1937 à 2011. Voici un extrait de cet indicateur. L’avancée du trait de côte est en vert, le recul en orange et les ouvrages de protection sont représentés en rouge.

Nous voyons en certains endroits un recul du trait de côte qui peut atteindre jusqu’à 3 m par an.

Quelles stratégies face au recul du trait de côte ?

Il y a 4 stratégies qui ne sont pas exclusives les unes des autres:

  1. Ne rien faire mais se contenter de faire un suivi du recul du trait de côte.
  2. Mettre en place des protections douces utilisant des processus naturels comme l’apport de sédiments et la végétalisation; mais ce sont des solutions temporaires.
  3. Mettre en place des protections dures sous la forme d’ouvrages de génie civil comme les digues; mais ce sont des solutions à la fois temporaires et coûteuses.
  4. Faire du recul stratégique en déplaçant les enjeux économique et humains à l’intérieur des terres; c’est malheureusement souvent l’inverse qui est fait dans les projets d’aménagement du littoral.

Certains ouvrages de protection se sont révélés avoir des impacts négatifs sur le trait de côte. C’est le cas des épis transversaux et des enrochements longitudinaux qui augmentent l’érosion de part et d’autre de l’ouvrage.

Les 2 photos ci-dessous de la côte à Frontignan illustrent ces impacts négatifs.

Par contre, un autre type d’ouvrage de protection, l’atténuateur de houle, s’est révélé particulièrement efficace pour lutter contre l’érosion des plages.

En hiver, les houles de tempête, qui peuvent atteindre jusqu’à 3,5 m en Méditerranée, enlèvent une partie du sable. Apporter du sable juste avant la saison estivale est coûteux et repousse le problème à l’année suivante, à la différence de l’atténuateur de houle.

L’atténuateur de houle est constitué d’un tube en géo-textile rempli de sable et immergé longitudinalement à la côte. L’atténuateur de houle casse l’énergie des houles de tempête. Ce dispositif mis en place au niveau du Lido de Sète a stoppé l’érosion et a même permis une avancée de 12 m du trait de côte.

L’apport de sédiments

Le facteur principal du recul du trait de côte en Méditerranée est la réduction de l’apport de sédiments par les fleuves côtiers : Pô, Rhône, Ebre, Nil. C’est l’aménagement de ces fleuves, en particulier la construction de barrages, écluses, centrales hydroélectriques au fil de l’eau qui entraine la réduction de l’apport de sédiment.

Dans le cas du Rhône, l’apport actuel de sédiments ne représente que quelques % de l’apport « naturel » d’avant l’aménagement du Rhône et de la Durance. Le courant marin liguro-provençal-catalan ne dépose plus suffisamment de sédiments du delta du Rhône jusqu’aux Pyrénées-Orientales.

Et la situation va s’aggraver !

Le nouveau plan de gestion du bassin de l’Ebre par la commission hydrographique de l’Ebre prévoit de construire 56 nouveaux barrages, ce qui va réduire de manière drastique le débit et l’apport de sédiments au niveau du delta.

l’Ethiopie a démarré la construction du gigantesque barrage réservoir Grand Renaissance sur le Nil bleu, ce qui va réduire encore plus les apports de sédiments et d’eau pour le delta.

L’extraction de gravier, galets et sable en amont des barrages pour la construction d’infrastructures et d’habitations continue de plus belle.

Le débit moyen des fleuves diminue sous l’effet du réchauffement climatique. En 2100, le Rhône verra très probablement son débit d’étiage diminué de 30 % et son débit moyen divisé par 3.

Le 7 février 2016, la Plateforme de Défense de l’Ebre réunissait à Amposta 50000 personnes pour manifester contre les projets de barrages qui vont conduire à la disparition du delta de l’Ebre, des activités économiques qu’il génère et du cadre de vie de la population locale.

L’élévation du niveau de la mer

Après plusieurs siècles de stabilité, le niveau de la mer s’est remis à monter au début du XIXème siècle sous l’effet du réchauffement climatique lié aux activités humaines. Comment ? Par dilatation thermique de l’eau et fonte des glaciers, neiges et calottes glaciaires ; en Méditerranée, c’est surtout la dilatation thermique qui est responsable de l’élévation du niveau de la mer.

Au XXème siècle, le niveau des océans a monté de 17 cm avec une accélération de 1992 à 2015, puisque nous sommes actuellement sur une base de 3,6 mm/an.

L’élévation n’est pas uniforme et elle est plus faible en Méditerranée que dans l’Atlantique. Néanmoins, les experts tablent actuellement sur une élévation de plus d’un mètre à l’horizon 2100.

Comme tous les grands deltas méditerranéens, le delta du Rhône subit un recul du trait de côte (67 % du linéaire est concerné) et un affaissement par manque d’apports de sédiments.

Une grande partie du delta est à moins d’un mètre au dessus du niveau de la mer. Dans un scénario catastrophe, bien que tout à fait plausible, cette partie du delta pourrait disparaître.

Liens utiles

Directive cadre de la stratégie pour le milieu marin
Indicateur national de l’érosion côtière – Languedoc-Roussillon
Indicateur national de l’érosion côtière – PACA
Direction interrégionale de la mer Méditerranée

Le transfert de la compétence GEMAPI, une malfaçon législative de plus

Le transfert de la compétence GEMAPI (Gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations) fait partie de la réforme territoriale portée par les lois MAPTAM (Modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles) de 2014 et NOTRe (Nouvelle organisation territoriale de la République) de 2015. Cette réforme territoriale, voulue par les gouvernements de droite et de gauche qui se sont succédé depuis près de dix ans, se propose de simplifier et rationaliser la décentralisation à la française. Cependant, les délais très courts d’application de la réforme et une prise en compte bâclée de l’histoire et des spécificités des territoires impactés font courir le risque que l’exercice des compétences par les collectivités locales et territoriales soit gravement perturbé pendant les quatre ou cinq années à venir.

Qu’est-ce que la compétence GEMAPI ?

La compétence GEMAPI comprend l’aménagement d’un bassin ou sous-bassin versant (milieux aquatiques), l’entretien et l’aménagement des cours d’eau, canaux, plans d’eau, berges (milieux aquatiques mais aussi prévention des inondations), la défense contre les inondations et la mer (prévention des inondations), la protection et restauration des écosystèmes aquatiques (milieux aquatiques).

Le transfert de la compétence GEMAPI doit se faire au plus tard le 1er janvier 2018, de l’État, des départements et des communes vers les Établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre (EPCI à FP), c’est-à-dire les intercommunalités de types métropoles, communautés urbaines, communautés d’agglomération, communautés de communes. En Île-de-France, le transfert de la compétence doit se faire vers la Métropole du Grand Paris, un EPCI à statut particulier et à fiscalité propre créé le 1 janvier 2016 et constitué de 131 communes dont Paris.

Le transfert de la compétence GEMAPI ne va chambouler ni la gestion des milieux aquatiques mise en place avec la transposition de la Directive-cadre sur l’eau en 2006 (Loi sur l’eau et les milieux aquatiques), ni la gestion du risque d’inondation mise en place avec la transposition de la Directive Inondations en 2010 (Loi Grenelle II). Mais il va y avoir une redistribution des compétences et des responsabilités entre les différents acteurs. Les effets en seront d’autant plus difficiles à prévoir que nous sommes déjà face à un monstre bureaucratique et technocratique d’une grande complexité.

Lire la suite sur le site web de la revue Les possibles du conseil scientifique d’Attac

Contribution de Eau Secours 34 à l’effort de prévention du risque d’inondation et à la lutte contre le changement climatique

Feindre d’ignorer ce qu’on sait, de savoir tout ce que l’on ignore… voilà toute la politique.
— Beaumarchais

FNE Languedoc-Roussillon organise les 25 et 26 septembre à Montpellier le festival « Refaisons le climat ». Cet événement est sponsorisé entre autres par Montpellier Méditerranée Métropole et est labellisé COP21. Le président de Montpellier Méditerranée Métropole et le directeur de l’agence de l’eau Rhône-Méditerranée Corse interviendront lors de la conférence d’ouverture. Un certain nombre de conférence-débats et d’ateliers traiteront de sujets (inondations, montée du niveau de la mer, sécheresse et pénurie d’eau…) sur lesquels Eau Secours 34 mène une réflexion depuis plusieurs années.

Eau Secours 34 profite de cet événement de portée mondiale pour annoncer sa contribution à l’effort de prévention du risque d’inondation de Montpellier Méditerranée Métropole et à la lutte contre le changement climatique. Voici ses propositions :

Système d’alarme

“Nous sommes en train d’achever la mise en réseau des sirènes d’alarme pour les remettre en service.”
— Interview du maire de Montpellier, Midi Libre 16-09-2015

Eau Secours 34 propose une trompette en complément du système d’alarme par sirènes que souhaite mettre en place la mairie de Montpellier. Nous avions envisagé initialement un pipeau, instrument parfaitement maîtrisé par l’ensemble des élus municipaux, mais une trompette, verte de sur-croix, est clairement plus adaptée pour alerter les montpelliérains de la montée des eaux.

Poste de commande communal

“Quand Marie-Hélène Santarelli positionne de nouvelles caméras de vidéo surveillance, ce n’est pas seulement utile pour la criminalité. Un système est également dédié à la surveillance des crues.”
— Interview du maire de Montpellier, Midi Libre 16-09-2015

Eau Secours 34 propose un masque avec tuba pour équiper le poste de commande communal qui va suivre en temps réel la crue des cours d’eau grâce au réseau des caméras de surveillance financé par le contribuable montpelliérain. Le masque avec tuba sera très utile car le poste de commande communal est situé au sous-sol d’un bâtiment construit à proximité des berges du Lez dans une zone régulièrement inondée. Eau Secours 34 croyait naïvement que les caméras de surveillance servaient uniquement au contrôle et au flicage social, que nenni, Montpellier et son pôle de compétitivité eau, toujours à la pointe de la technologie, nous prouvent le contraire.

Bypass de la station d’épuration Maera

“Agrandissement et modernisation de Maera dès 2020 afin de doubler sa capacité d’accueil des eaux en cas de pluies diluviennes, recalibrage du diamètre des tuyaux de l’émissaire en mer pour 2016 afin de passer son débit de 1 à 3 m3/s, et création de bassin(s) de rétention de 45 000 m3 pour bloquer une partie des eaux de pluie.”
— Inondations à Montpellier: 100 M€ pour améliorer la station d’épuration, Midi Libre du 17-09-2015

Lors de forts épisodes méditerranéens comme ceux du 14 et 23 août 2015, la grande station d’épuration Maera en charge de la plupart des communes de la métropole rejette les eaux usées non traitées (bypass) dans le Lez et en mer, au large de Palavas. Le président de Montpellier Métropole Méditerranée vient d’annoncer que des travaux pour agrandir et moderniser Maera allaient être entrepris et qu’ils allaient réduire les bypass. Mais en attendant, Eau Secours 34 fait une proposition pour limiter la pollution fécale du Lez et du littoral méditerranéen : se retenir d’aller aux toilettes en cas de pluies diluviennes. Cet exemple de solidarité amont-aval de la population de la métropole permettrait de maintenir au plus haut l’image de la station balnéaire de Palavas qui est actuellement parfois obligée d’interdire la baignade pour cause d’étrons flottants en provenance de Maera.

Lutte contre le changement climatique

Eau Secours 34 propose de renommer le projet immobilier « Eco-quartier Ode à la mer » en « Eco-quartier Ode dans la mer ». En effet, le probable réchauffement climatique de plus de 2 degrés entraînera par dilatation thermique une remontée d’environ un mètre du niveau de la mer, recouvrant une grande partie des 250 hectares concernés. Eau Secours 34 ne doute pas que la Sunny French Tech Attitude réglera aisément ce léger problème à l’aide d’innovations technologiques telles que la construction sur pilotis ou le pompage par un procédé de type shadok.

Quelles leçons tirer des inondations de l’automne 2014 ?

Montpellier, le 30 juin 2015

L’Hérault a été frappé durant l’automne 2014 par 3 épisodes méditerranéens très intenses: en quelques jours il a plu autant qu’en une année moyenne. Il s’en est suivi des inondations qui ont entraîné la mort de 4 personnes à Lamalou-les-bains et de gros dégâts matériels dans des communes de la métropole montpelliéraine, notamment Grabels. Il est apparu à cette occasion que la gestion du risque d’inondation dans notre département n’était pas à la hauteur des enjeux. Les mécanismes de protection contre les inondations (digues, bassins de rétention, bras déversoirs…) se sont révélés pour la plupart soit insuffisants, soit inadaptés. La violence des inondations directement liée au ruissellement des eaux de pluie sur des sols imperméabilisés a été largement sous-estimée. La prévision météo et les mécanismes d’alerte n’ont pas bien fonctionné. La gestion de crise par la préfecture, en particulier la communication en direction des communes, des automobilistes, des parents d’élèves, des responsables d’établissements scolaires et universitaires a été calamiteuse.

Le changement climatique est déjà responsable de l’augmentation de 30% de l’intensité des épisodes méditerranéens sur les 50 dernières années. Les inondations sont désormais des inondations éclair où tout est plus fort et plus rapide. Que faire dans ce contexte nouveau pour protéger les personnes et les biens du risque d’inondation ? Partout en France, les pouvoirs publics commencent à prendre conscience qu’il n’est pas possible d’empêcher les inondations les plus violentes en artificialisant les cours d’eau par l’endiguement, les barrages et la chenalisation. Il s’agit désormais de limiter les impacts des inondations sur les personnes et les biens. Comment ? En restaurant des zones humides, en facilitant l’infiltration de l’eau dans les zones d’expansion de crue, et en développant une culture du risque et une résilience dans les communes. Or, ce n’est pas la voie choisie dans notre département comme le démontrent plusieurs projets d’urbanisme récents : gare de la Mogère avec le futur quartier OZ1, Oxylane, ZAC Caylus… La gestion du risque d’inondation reste toujours subordonnée à une politique d’urbanisation effrénée. Pourtant continuer cette politique d’urbanisation ne peut que conduire à des inondations faisant plus de victimes et de dégâts.

La gestion des rivières selon l’agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse

Film d’animation de l’agence de l’eau Rhône-Méditerranée-Corse.

Redonnons à nos rivières un fonctionnement naturel pour limiter les crues, sécuriser les populations et améliorer la qualité de l’eau. L’agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse et la DREAL de bassin Rhône-Méditerranée vous présentent un film sur les 3 idées clés pour réussir la gestion de nos rivières: laisser plus d’espace à la rivière, freiner le débit de l’eau et gérer l’eau à l’échelle du bassin versant.

 

La gestion du risque d’inondation à l’épreuve des inondations dans l’Hérault durant l’automne 2014

1. Aléas climatiques et inondations

Les régions méditerranéennes subissent 2 types d’aléas climatiques, les épisodes méditerranéens et les tempêtes littorales.

Les épisodes méditerranéens sont des pluies en automne résultant de la rencontre d’une masse d’air chaud et humide provenant de la Méditerranée avec une masse d’air froid à l’intérieur des terres. Lorsque ces pluies sont fortes, elles entraînent parfois la crue des cours d’eau, le ruissellement des eaux de pluie sur les sols rendus imperméables par l’urbanisation et la remontée de nappe. Lorsque les tempêtes littorales sont fortes, elles entraînent parfois une submersion marine.

Ce sont la crue des cours d’eau, le ruissellement de l’eau, la remontée de nappe et la submersion marine résultant des épisodes méditerranéens et des tempêtes littorales qui sont à l’origine des inondations dans les régions méditerranéennes.

Une étude des épisodes méditerranéens en Languedoc-Roussillon sur les 50 dernières années révèle une augmentation de 30 % de leur intensité alors que leur fréquence a peu varié, à l’exception notable de l’année 2014 où 3 épisodes méditerranéens très intenses ont frappé le département de l’Hérault (16 au 19 septembre, Nord de l’Hérault; 29 septembre, Sud-Est de l’Hérault avec des précipitations maximales au Sud de Montpellier; 6 octobre, Est de l’Hérault avec des précipitations maximales dans le secteur de Prades-le-Lez). Il est tombé sur quelques communes à chaque fois environ 300 mm d’eau en 3-4 heures, ce qui correspond à la moitié des précipitations annuelles moyennes (voir le site pluies-extrêmes de Météo France). Ces épisodes méditerranéens très intenses, de faible durée et très localisés sont le résultat du changement climatique en cours.

2. Les inondations dans l’Hérault durant l’automne 2014

Dans la nuit du 17 septembre, la crue du Bitoulet, la rivière traversant la commune de Lamalou-les-bains et le ruissellement des eaux de pluie ont provoqué la mort de 4 personnes qui dormaient dans le camping municipal.

Lamalou Lamalou camping
Lamalou-les-bains

Le 29 septembre, la crue des cours d’eau (notamment le Lez et la Mosson) et le ruissellement des eaux de pluie ont provoqué d’importants dégâts matériels à Montpellier et sur quelques communes du sud de l’agglomération. Les transports routier et ferroviaire ont dû être interrompus et il y a eu environ 3 millions d’euros de dégâts dans les réseaux (distribution d’eau potable, collecte des eaux usées et des eaux pluviales, électricité et télécommunication).

Antigone Antigone
Montpellier: Rives du Lez à Antigone et Avenue d’Assas aux Arceaux

Route de Carnon Lattes
Lattes

Les 6 et 7 octobre, la crue des cours d’eau et le ruissellement des eaux de pluie ont à nouveau provoqué d’importants dégâts matériels sur quelques communes de l’agglomération. Les 6500 habitants de la commune de Grabels ont été particulièrement touchés. Il y a eu à Grabels un million d’euros de dégâts de la voirie, 574 foyers sinistrées, 223 véhicules détruits, 31 personnes évacuées par hélicoptère. A Fabrègues, une vingtaine de personnes ont dû être évacuées dont 12 par hélicoptère.

Grabels Grabels
Grabels

D185 D185
Villeneuve-lès-Maguelone: débordement de la Mosson

L’intensité de l’aléa climatique ne peut pas seule expliquer les dégâts matériels et les morts causés par une inondation. L’analyse révèle toujours l’insuffisance ou l’inadaptation des mécanismes de protection et prévention des inondations mis en œuvre sur le territoire ainsi que la défaillance des pouvoirs publics en termes d’alerte, d’information du public et de gestion de crise. Nous en avons la démonstration avec les 3 inondations éclairs décrites ci-dessus.

Le camping de Lamalou était sur une zone inondable non identifiée comme telle par un PPRI (Plan de Prévention du Risque d’Inondation). Les services municipaux n’ont pas averti les occupants du camping des risques encourus. La crue du Bitoulet a formé un embâcle constitué de matériaux divers (branches…) qui, lorsqu’il a cédé, a déversé d’un seul coup une grande masse d’eau sur le camping. Cet embâcle ne se serait pas créé si les riverains et la municipalité avaient nettoyé les berges du Bitoulet comme ils en avaient l’obligation.

Les aménagements dans Montpellier des rives du Lez ont été moins efficaces que prévu: le 29 septembre, les bassins de rétention ont débordé au bout de 3 minutes. Le bassin de rétention de la station d’épuration Maera n’a pas empêché cette dernière de devoir pratiquer un bypass (rejet des eaux usées non traitées dans le Lez). Le 6 octobre, la Mosson a débordé, coupé la route départementale 185 et inondé Villeneuve-lès-Maguelone malgré les digues. Lattes a été inondé une fois de plus malgré les digues et le bras déversoir du Lez.

Les alertes par la société Predict, filiale de BRL et Météo France, ont été parfois tardives voire erronées (au lieu d’une alerte rouge pour Grabels le 6 octobre, alerte orange pluie et alerte jaune crue; fausse alerte rouge pour les communes de l’agglomération à la mi-octobre), confirmant la difficulté de prévoir précisément dans l’espace et le temps les épisodes méditerranéens et les crues. La difficulté est d’autant plus grande lorsque l’hydrologie des bassins versants concernés est mal connue.

La gestion de crise par la préfecture, en particulier la communication en direction des communes, des automobilistes, des parents d’élèves et des responsables des établissements scolaires et universitaires, a été calamiteuse.

3. La gestion du risque d’inondation en France

La politique publique de gestion du risque d’inondation a été longtemps axée sur d’une part, la construction d’infrastructures de protection (digues, barrages…) et d’autre part, l’indemnisation des victimes de catastrophes naturelles (loi du 13 juillet 1982).

C’est à l’État qu’incombait la protection contre les inondations et l’indemnisation des victimes. La conception et la réalisation des infrastructures de protection étaient confiées au corps des ingénieurs des Ponts et Chaussées.

Lors des crues du Rhône en 1856, Napoléon III se rend à Arles pour annoncer des investissements publics de protection et il déclare: « tout me fait espérer que la science parviendra à dompter la nature. Je tiens à ce qu’en France les fleuves, comme la révolution, rentrent dans leur lit, et qu’ils n’en puissent plus sortir ». Cette vision où l’homme est face à une nature hostile qu’il doit dompter par la science a servi de fil directeur à la politique publique de gestion du risque d’inondation jusqu’à aujourd’hui. Il s’en est suivi une artificialisation de la plupart des cours d’eau (endiguement, chenalisation…) dont l’exemple le plus frappant est le Rhône (artificialisé sur près de 80% de son parcours).

Les services de l’État (ministère de l’environnement) élaborent les PPRI (Plan de Prévention du Risque d’Inondation) et les AZI (Atlas de Zone Inondable) qui identifient et cartographient les zones inondables respectivement par une approche hydraulique et hydrogéomorphologique. Ils élaborent aussi avec les collectivités locales et territoriales les PAPI (Plan d’Action de Prévention des Inondations) et les PSR (Plan de Submersion Rapide) qui proposent des actions comme la construction de digues.

La loi du 13 juillet 1983 instaure la garantie “catastrophe naturelle”. Les communes demandent au ministère de l’intérieur que l’inondation qu’elles ont subie soit déclarée catastrophe naturelle. Ce n’est qu’après la parution du décret inter-ministériel déclarant l’état de catastrophe naturelle que la commune et ses habitants peuvent solliciter leur assureur pour être indemnisés des dégâts causés par l’inondation. La plupart des contrats multirisques habitation sont réassurés auprès de la CCR (Caisse Centrale de Réassurance), société anonyme appartenant à l’Etat. Par conséquent, tout ou partie des sommes versées par les assureurs proviennent de la CCR. La CCR peut aussi financer des mesures de prévention des inondations (acquisition amiable de biens exposés à un risque naturel mettant en danger des vies humaines, protection des lieux habités etc.) via le FPRNM (Fonds de Prévention des Risques Naturels Majeurs, appelé aussi Fonds Barnier) et indemniser les collectivités locales pour les dégâts non pris en charge par les assureurs privés.

A partir des années 1990, ce modèle est remis en cause. L’endiguement intensif qui a été mené jusqu’à présent est critiqué. En effet, les digues se révèlent parfois dangereuses pour les biens et les vies humaines car elles augmentent la hauteur et le débit des crues. Du point de vue écologique, les digues empêchent la recharge des nappes, l’alluvionnement et l’accomplissement de certains cycles biologiques. Les experts mettent aussi en évidence l’intérêt de maintenir des plaines inondables et des zones humides dans le bassin versant.

Partant du principe qu’il n’est ni possible ni souhaitable d’empêcher à tout prix toutes les inondations, un nouveau modèle voit alors le jour aux USA et en Hollande. Il repose sur d’une part, une analyse coût-bénéfice des mesures de protection et prévention du risque d’inondation et d’autre part, une évaluation des impacts environnementaux de ces mesures. Il met l’accent sur l’acquisition d’une culture du risque d’inondation parmi les habitants et sur la résilience, c’est à dire la capacité d’un territoire à se réorganiser rapidement à la suite d’une inondation. C’est cette vision à la fois néo-libérale et environnementale qui prévaut lors de l’adoption par l’UE de la Directive Inondation en octobre 2007.

La transposition de la Directive Inondation dans la législation française a été laborieuse. En 2010, la Commission Européenne a assigné la France devant la Cour de Justice Européenne pour défaut de transposition de cette Directive. Finalement, la Directive Inondation a été transposée par un décret dans la loi Grenelle II en mars 2011.

La Directive Inondation impose une gestion du risque d’inondation par district hydrographique. Dans un premier temps, des TRI (Territoires à Risques d’Inondation) sont identifiés et cartographiés dans chaque district hydrographique; dans notre cas, il s’agit du district hydrographique Rhône-Méditerranée. Puis un PGRI (Plan de Gestion du Risque d’Inondation) est élaboré pour chaque district hydrographique par l’ensemble des acteurs concernés et pas seulement les services de l’Etat. Le PGRI est l’équivalent pour le risque d’inondation de ce qu’est le SDAGE (Schéma Directeur d’Aménagement et de Gestion des Eaux) pour la gestion de l’eau et des milieux aquatiques. Le PGRI doit être cohérent avec le SDAGE. Des SLGRI (Stratégies Locales de Gestion des Risques d’Inondation) sont aussi élaborées à l’échelle des TRI. Les SLGRI sont l’équivalent des SAGE (Schéma d’Aménagement de la Gestion des Eaux). Les SLGRI doivent être cohérentes avec les SAGE, ce qui est délicat à obtenir car un TRI ne recoupe pas toujours parfaitement le bassin ou sous-bassin d’un SAGE. Le 1er PGRI (pour 2016-2021) est consultable par le public sur le site de l’agence de l’eau Rhône-Méditerranée-Corse jusqu’au 18 juin avant d’être soumis à la Commission Européenne.

TRI
TRI de Montpellier

La Directive Inondation introduit de nouvelles cartes pour chaque TRI en complément de celles des PPRI. Ces cartes aident à mieux caractériser la vulnérabilité du TRI en termes de population, activité économique et réseau de transport impactés. Le PPRI reste le seul document opposable à tout projet d’urbanisme à l’échelle communale ou inter-communale. Il doit être pris en compte par les collectivités locales lorsqu’elles élaborent leur Plan Local d’Urbanisme (PLU) et leur Schéma de Cohérence Territorial (SCOT).

La France est en train de passer d’une gestion centralisée par les services de l’État à une gestion décentralisée multi-acteurs comme le demande l’UE. Il n’est pas certain que la gestion décentralisée multi-acteurs à la française se traduise par une plus grande efficacité à gérer le risque d’inondation. Il y a même de fortes présomptions du contraire.

La loi MAPTAM (Modernisation de l’Action Publique Territoriale et d’Affirmation des Métropoles) adoptée en février 2014 transfère la compétence GEMAPI (Gestion de l’Eau, des Milieux Aquatiques et de la Prévention des Inondations) de l’Etat aux collectivités locales, à travers des EPAGE (Etablissement Public d’Aménagement et de Gestion des Eaux) ou à défaut des EPTB (Etablissement Public Territorial de Bassin) ou syndicats de bassin. Ce sera bientôt aux collectivités locales et non plus à l’Etat de financer la totalité des actions proposées par les PAPI. Elles pourront le faire en créant un nouvel impôt local (Aquataxe) si elles le souhaitent.

La compétence exclusive et obligatoire de la GEMAPI attribuée aux collectivités locales ne pose pas que le problème du financement. La compétence GEMAPI est aussi une source potentielle de conflits d’intérêts puisque les élus des collectivités locales auront pouvoir de décision à la fois sur la gestion du risque d’inondation et sur l’urbanisation (voir paragraphe suivant qui illustre ces conflits d’intérêts dans le cas de l’Hérault).

4. Quelles leçons tirer des inondations dans l’Hérault durant l’automne 2014 ?

Le Plan Communal de Sauvegarde (PCS) et la Réserve Communale de Sécurité Civile (RCSC) lorsqu’ils existaient ont permis d’éviter des drames. Ils doivent être mis en place dans toutes les communes et améliorés par celles qui en sont déjà dotées.

Le coût des dégâts occasionnés par les 3 inondations de l’automne 2014 a été estimé à plusieurs centaines de millions d’euros (150 millions d’euros de dégâts pour la seule agglomération de Montpellier suite à l’inondation du 29 septembre 2014). Les arrêtés de catastrophe naturelle ont permis l’indemnisation des particuliers et des collectivités locales par les assureurs privés, conformément à la loi du 13 juillet 1982. En sera-t-il de même dans le futur? Les dégâts matériels sont en constante augmentation car les inondations affectent des zones de plus en plus urbanisées et à forte densité de population. Il faudra donc à plus ou moins brève échéance, soit augmenter la cotisation des assurances multi-risques habitation, soit limiter les arrêtés de catastrophe naturelle, puisque les responsables des collectivités locales n’envisagent pas de mettre un terme à l’urbanisation effrénée dans le département.

Cette urbanisation effrénée tient lieu de politique économique en Languedoc-Roussillon. Elle soutient les 2 principaux secteurs économiques du département de l’Hérault, le BTP et le tourisme; elle renfloue les caisses des collectivités locales par la taxe d’habitation et la taxe foncière. Mais elle entraîne aussi la disparition de terres agricoles et d’espaces naturels qui sont souvent des zones humides ou d’expansion de crues. La gestion du risque d’inondation est dès lors totalement subordonnée à la politique d’urbanisation. Le régime d’indemnisation des catastrophes naturelles devient le moyen de faire payer par l’ensemble des assurés les erreurs d’aménagement urbain des collectivités locales. Des infrastructures de protection des inondations (digues, bassins de rétention…) sont mises en place pour réduire le risque d’inondation de zones qui n’auraient jamais dû être urbanisées. Le maintien de plaines inondables et la restauration de zones humides dont le coût est 15 à 20 fois moins élevé que celui des infrastructures de protection pour une efficacité égale sont rarement envisagés car contraires aux intérêts des promoteurs immobiliers et des responsables des collectivités locales.

Les inondations de l’automne 2014 n’entraîneront malheureusement pas de réorientations de la gestion du risque d’inondation et de la politique d’aménagement urbain.

La révision du SAGE Lez-Mosson est une régression sur la question des inondations, par rapport à sa version précédente. Ce n’est pas une surprise car nous retrouvons dans la Commission Locale de l’Eau Lez-Mosson et dans le Syndicat du Bassin du Lez (Syble) les mêmes élus locaux adeptes du béton.

Il est prévu de renforcer l’endiguement de la Mosson et de construire davantage de bassins de rétention mais rien pour maintenir des plaines inondables et restaurer des zones humides.

Trois projets d’urbanisation vont aggraver le risque d’inondation dans le périmètre de la métropole de Montpellier: la nouvelle gare TGV entourée du quartier Oz1, le lotissement multi-activités Oxylane et la ZAC Caylus.

La nouvelle gare TGV et le quartier d’affaires Oz1 vont occuper 60 ha de la commune de Montpellier dont 30 ha seront imperméabilisés. Ces 60 ha ont été inondés à l’automne 2014 suite au débordement du Negue-Cats et au peu d’infiltration de l’eau dans un sol dépourvu de couverture végétale. Ce n’est pas une surprise: le terrain est en zone rouge du Plan de Prévention du Risque d’Inondation (voir cartes ci-dessous). Le Syndicat Mixte du Bassin de l’Or (Symbo) a donné un avis favorable au projet à condition que soient construits des bassins de rétention et qu’il y ait une compensation zone humide pour les 30 ha imperméabilisés. Or, la construction de bassins de rétention ne peut garantir une protection efficace contre de très fortes inondations comme celles de l’automne 2014. Quant à la compensation zone humide, elle n’est jamais un moyen de protéger l’environnement mais au contraire un moyen pour les promoteurs immobiliers et autres de passer outre les études d’impact environnemental. Le commissaire-enquêteur, connu pour être systématiquement partisan des projets immobiliers de la métropole de Montpellier, a également donné un avis favorable à l’enquête publique “Loi sur l’eau” pour le quartier Oz1 malgré les réponses négatives émanant de plusieurs associations (Eau Secours 34, Mosson Coulée verte, FNE-LR…).

Gare OZ1
Future gare TGV et quartier Oz1 en zone rouge du PPRI

Le lotissement multi-activités Oxylane va occuper 24 ha de la commune de Saint Clément-de-Rivière dont 12 ha seront imperméabilisés. Il s’agit en fait d’une nouvelle zone commerciale, qui comprendra plusieurs “grandes” enseignes (Décathlon, Truffaut, O’Tera) et d’autres activités commerciales de moindre surface. Lors de l’enquête publique “Loi sur l’eau” en février-mars 2015, plusieurs problèmes importants ont été mis en évidence par les nombreux contributeurs, dont les communes limitrophes de Grabels et Montferrier-sur-Lez. Ils concernent les risques d’inondation, mais aussi les risques de pollution des eaux souterraines, l’insuffisance de l’alimentation en eau potable, l’évacuation des eaux usées. Du point de vue hydraulique, ce projet est bien mal situé, en tête du bassin-versant de la Lironde dont la crue du 6 octobre 2014 a été spectaculaire et très destructrice. Les bassins de rétention prévus au projet auraient été bien incapables de stocker le ruissellement généré par ces pluies (262 mm de précipitations en 4h, dont 95 mm en 1h, source météo France). Une zone inondable marquée au PPRI s’étale de part et d’autre d’un ruisseau traversant toute la zone du projet, et plusieurs des bassins de rétention sont prévus en bordure même de celle-ci. La rupture d’un de ces bassins pouvant intervenir en cas d’épisode pluvieux “exceptionnel” (comme celui d’octobre 2014) aggraverait l’inondation de la Lironde, en aval, au niveau de Montferrier-sur-Lez. La route départementale RD127E3, qui longe le terrain, risque ainsi d’être submergée encore plus gravement que par le passé; des habitants ont témoigné de plusieurs épisodes méditerranéens, au cours desquels des personnes circulant sur la route ont été entraînés et sauvés de justesse par d’autres usagers de la route. Malgré cela, le Commissaire Enquêteur a délivré un avis favorable – sans réserve !

Lironde
Dégâts causés par la crue de la Lironde à Montferrier – 7 octobre 2014

La ZAC Caylus et ses 650 logements vont occuper 25 ha de la commune de Castelnau-le-Lez dont 19 ha seront imperméabilisés. Les fouilles archéologiques préventives ont permis de découvrir une source gauloise datant du 2ème siècle avant J.C. (voir photo ci-dessous), des puits très anciens ainsi qu’une nappe phréatique haute couvrant l’essentiel des 25 ha. Cette nappe phréatique est un aquifère marno-calcaire karstifié dont la relation avec les eaux souterraines des communes environnantes est actuellement inconnue. L’existence de cette nappe devrait, à elle seule, remettre en cause ce projet d’urbanisation. Construire des logements sur une zone humide où l’eau est à 1 mètre de profondeur fait peser un risque réel sur les futurs habitants (inondation, effondrement de terrain). De plus, l’imperméabilisation des 19 ha va entraîner un problème de recharge de la nappe en période de pluie et sa pollution. Malgré cela, le projet suit son cours, conforté par une étude d’impact environnemental et une enquête publique “Loi sur l’eau” bâclées.

Caylus OZ1
Caylus et sa source gauloise